La mode a fait très tôt l’objet de travaux en sciences sociales tant au niveau des pratiques sociales et la demande que de l’offre et l’organisation industrielle (Tarde, 1890 ; Veblen, 1899 ; Simmel, 1904 ; m, 1928 ; Gregory, 1947 ; Barber et Lobel, 1952). À partir des années 1980, dans le monde anglophone, l’étude de la mode en tant que système (comprenant la production de l’habillement, de la beauté et du
lifestyle dans les secteurs du luxe et de la grande distribution) s’est principalement penchée sur l’image, les identités de marque et les modes de consommation au détriment d’une analyse plus approfondie des modes et circuits de production (Wilson, 1985). Plutôt que de penser le secteur élargi de la mode (à savoir la production créative et/ou commerciale – à la fois matérielle et immatérielle – des marques de vêtement, accessoires, cosmétique, joaillerie et décoration/
lifestyle) comme un « système » industriel (Barthes, 1967), ce dossier vise davantage à comprendre les transformations contemporaines des écosystèmes de la mode articulant un ensemble de réseaux et plateformes à des types de créations, de prescriptions et de modèles économiques associés. Un certain nombre de travaux se sont ainsi intéressés à l’industrie de la mode et son rapport aux réseaux sociaux locaux composés des créateurs, artistes, entrepreneurs, collectifs… (Crewe, 2017 ; Currid, 2007 ; McRobbie, 2016 ; Rantisi, 2004) et, plus récemment, aux nouvelles configurations économiques et culturelles de cette industrie créative suite à la diffusion massive du numérique (Rees-Roberts, 2018 ; 2020 ; Rocamora, 2017) et à sa plateformisation, processus tant économique et institutionnel (marchés, modèles, régulations...) que social et culturel (pratiques, diversité des productions, expression des identités, etc.) (Poell
et al., 2022).