La fabrique médiatique des sexualités » arrive vingt ans après « Une « communication sexuée », premier dossier de la revue
Réseaux consacré à l’étude des médias et des technologies de l’information et de la communication au prisme du genre et comprenant notamment des articles de Delphine Gardey (2003), Josiane Jouët (2003) et Michèle Mattelart (2003). Tandis que les
media, gender and sexuality studies anglophones disposent désormais d’anthologies (Smith
et al., 2017) et de revues spécifiquement dédiées (
Feminist Media Studies, Sexualities, Porn Studies, etc.), ces recherches ont mis plus de temps à se développer et à s’organiser en France.
Le présent article propose une introduction plus spécifique aux
queer media studies, qui se développent au croisement des études de genre et de sexualité, des
cultural studies, des
science and technology studies et de l’économie politique de la communication. Ces études interrogent le rôle des technologies médiatiques dans la production et la contestation d’un ordre social hétéronormé, structuré par des hiérarchies entre les sexes et entre les sexualités, elles-mêmes imbriquées dans des rapports de classe et de racialisation et dans des circulations transnationales. Dans cet aperçu des grandes tendances qui traversent cet espace de recherche, nous soulignons la manière dont les approches centrées sur les discours, qui en sont au fondement, se muent progressivement en des recherches sur les dispositifs. Les écrits de Michel Foucault sur la sexualité comme discours et comme dispositif (1976) constituent un point de repère théorique clé pour l’étude des sexualités médiatisées. Comme le remarque Fred Pailler (2019), se donner pour objet les politiques sexuelles qui traversent les technologies médiatiques revient à réunir deux manières de lire Foucault qui, en France, ont longtemps été dissociées : celle centrée sur la question de l’hétéronormativité issue des
gender and sexuality studies (Halperin, 1995 [2000]) et celle centrée sur la question du dispositif issue des
science and technology studies et des sciences de l’information et de la communication (Peerbaye et Beuscart, 2006 ; Gavillet, 2010).