Et si la science économique avait tout mis à l’envers ? C’est la proposition que font les auteurs de ce petit livre en se situant explicitement dans la voie ouverte par Gabriel Tarde (1843-1904). Ils proposent une complète inversion de nos habitudes : rien dans l’économie n’est objectif, tout est subjectif ou, plutôt, intersubjectif. Les idées mènent le monde ; la superstructure détermine « en première et en dernière instance » les infrastructures, lesquelles, d’ailleurs, n’existent pas...
L’économie récente, celle que Tarde observe depuis sa chaire au Collège de France, celle de la lutte des classes, de la première grande globalisation, de la migration massive du genre humain, celle des innovations frénétiques ponctuées par les grandes expositions universelles, du découpage des empires coloniaux, n’offre en aucune manière le spectacle d’un avènement de la raison. Mais plutôt le spectacle de passions d’une intensité inouïe.
Qu’est-ce alors que l’économie ? C’est la science des intérêts passionnés, expliquent les auteurs. C’est cet entrecroisement, au cur de la science économique, que les économistes ont à la fois entrevu et, chose étonnante, aussitôt fui avec horreur comme s’ils y avaient vu la tête de Gorgone.
Bruno Latour (1947-2022), professeur associé au médialab de Sciences Po, a notamment publiéFace à Gaïa. Huit conférences sur le Nouveau Régime Climatique (2015), Où atterrir ? Comment s’orienter en politique (2017) et Où suis-je ? Leçons du confinement à l’usage des terrestres (2021).
Vincent Lepinay, anthropologue de l’économie, est professeur au Massachusetts Institute of Technology.
« La gloire de Gabriel Tarde (1843-1904) fut aussi grande de son vivant que
l'oubli dans lequel sont tombés ses écrits depuis sa mort. [...] Et le nom de
Tarde ne fit plus que de rares apparitions dans les bagages de ses enfants
prodiges, tels Gilles Deleuze et Bruno Latour. L'ouvrage que ce dernier vient de
consacrer à son aîné, coécrit avec Vincent Lépinay, aborde avec brio le pan sans
doute le moins connu de l'uvre de Tarde, à savoir les deux volumes de la Psychologie économique, parus en 1902. Pour saisir la portée de ce
livre, nous disent les deux commentateurs, il faut s'imaginer un lecteur
découvrant aujourd'hui les textes de Marx alors que ceux-ci n'auraient jamais
été lus de personne. Car tout est comme neuf dans le texte de Tarde. Prenant
l'exact contre-pied de la science économique qui naît à l'époque, Tarde voit
dans la passion, plus que dans l'intérêt, le moteur du développement économique.
»
LE MONDE
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1. C'est parce que l'économie est subjective, qu'elle est quantifiable
2. La nature de l'économie
3. L'économie sans providence.
What if Economics had turned things upside down? The authors putting forth this idea are following in the footsteps of great philosopher and sociologist Gabriel Tarde. What they suggest is a complete reversal of all our habits: Nothing in Economics is objective; everything is subjective if not intersubjective. Ideas govern the world : Superstructures determine «in first and final levels» infrastructures – which don’t actually exist anyhow… So what exactly is Economics about? The science of intense interests.
Bruno Latour is the assistant director of the Institut d’Études politiques de Paris. A philosopher and sociologist, he is the author of several books published by La Découverte and Les Empêcheurs de penser en rond. Amongst these: Changer de société - Refaire de la sociologie (2006). Vincent Lepinay, an Economy Historian, is a lecturer at the Massachusetts Institute of Technology.