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Les « indigènes » au secours de la République ?
François Gèze

En lançant en janvier 2005 leur « Appel pour les Assises de l’anticolonialisme postcolonial », celles et ceux qui se sont autodésignés comme « indigènes de la République » ont posé une petite bombe. Leur texte commence par un constat aussi brutal que lucide : « Discriminées à l’embauche, au logement, à la santé, à l’école et aux loisirs, les personnes issues des colonies, anciennes ou actuelles, et de l’immigration postcoloniale sont les premières victimes de l’exclusion sociale et de la précarisation. »


Cet appel a provoqué dans les mois suivants un véritable tohu-bohu médiatique, le plus souvent critique, sur le thème : les discriminations raciales sont « bien réelles », mais ce texte n’est rien d’autre qu’un appel au « communautarisme », sûrement sous-tendu d’antisionisme, voire d’antisémitisme. Et pourtant, fait extraordinaire, dans le même temps, nos médias « politiquement corrects » ont consacré pour la première fois des pages entières aux massacres du Constantinois en mai-juin 1945, tragédie occultée de l’histoire coloniale et fort justement mise en avant par l’Appel des indigènes.


Au-delà de certaines formules maladroites, ce texte a en effet mis le doigt sur une réalité qu’il devient de plus en plus difficile de nier : la persistance des discriminations racistes à l’encontre des Français et étrangers « colorés » s’explique largement par la « fracture coloniale ». L’histoire de la République est en effet indissociable d’un déni de l’Autre « indigène », parfaitement contradictoire avec ses valeurs fondatrices, et qui justifia les pires horreurs. Un déni jamais reconnu depuis les indépendances, et qui perdure aujourd’hui, avec l’encouragement de prétendus « défenseurs de la République », qui en seraient plutôt les fossoyeurs...


C’est ce que montre notamment une étonnante enquête sur la perception du fait colonial, conduite à Toulouse en 2003 par les historiens de l’ACHAC (Association Connaissance de l’histoire de l’Afrique contemporaine), Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Emmanuelle Collignon et Sandrine Lemaire. Cette enquête révèle à la fois une grande méconnaissance des événements précis qui ont marqué l’histoire coloniale, et un sentiment très fort que cette histoire joue pourtant un grand rôle dans les discriminations dont sont actuellement l’objet les descendants des « indigènes » de la première (Antilles) et de la seconde (Afrique, Maghreb, Indochine) colonisation française. Et une très forte majorité des enquêtés estime qu’une meilleure connaissance de l’histoire coloniale et de ses pages noires, notamment grâce à l’enseignement scolaire, pourrait contribuer à une meilleure « intégration » de ces populations.


D’où l’importance de l’ouvrage collectif La Fracture coloniale. La société française au prisme de l’héritage colonial, que nous publions en cette rentrée : conçu (bien avant le lancement de l’Appel des indigènes) et dirigé par Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire, cet ouvrage présente une synthèse de la passionnante enquête de Toulouse et, surtout, réunit une vingtaine de contributions originales de chercheurs (historiens, sociologues, politologues…) et militants sur les origines et les manifestations contemporaines de la fracture coloniale.


Pascal Blanchard et Nicolas Bancel y expliquent notamment comment le colonialisme promu par la IIIe République a installé, au rebours de ses valeurs affichées, « l’inégalitarisme racial au cœur du dispositif républicain colonial ». Faute d’avoir jamais été reconnu comme tel, c’est bien cet « inégalitarisme racial » qui perdure aujourd’hui, à bas bruit, au sein de la société française, comment le montrent les auteurs de La fracture coloniale. Rédigé et pensé pour être accessible au plus large public, notre souhait et que ce livre puisse contribuer aux débats nécessaires pour construire une histoire de la République n’ignorant plus ses « pages noires », afin que tous ceux qui l’habitent aujourd’hui puissent partager un récit réconcilié, où les « indigènes » et leurs descendants auront enfin toute leur place.


Dans la même perspective, nous publions en cet automne le livre important de Caroline Oudin-Bastide, Travail, capitalisme et société esclavagiste. Guadeloupe, Martinique (XVIe-XIXe siècle), où l’auteur, au carrefour de l’histoire économique et de l’anthropologie historique, dresse un portrait original et saisissant de la société esclavagiste des Antilles françaises.


Un travail qui sera utilement complété, en novembre, par la publication dans notre collection de poche « Sur le vif », du rapport au Premier ministre du Comité pour la mémoire de l’esclavage.



François Gèze, PDG des Éditions La Découverte.

L'école du soupçon
Les dérives de la lutte contre la pédophilie Marie-Monique Robin

Après avoir toujours nié l’existence d’abuseurs sexuels dans ses rangs, l’Éducation nationale a opéré une volte-face au milieu des années 1990 : grâce aux militants de la protection de l’enfance, la pédophilie a enfin été dénoncée et poursuivie.
Mais, sous l’effet de la pression médiatique, cette salutaire prise de conscience a conduit l’État à adopter un dispositif de contrôle inadapté, qui mine en profondeur l’ensemble du corps enseignant. Et qui menace à terme l’équilibre de nos enfants.

C’est ce que montre Marie-Monique Robin dans ce livre, fruit d’une investigation approfondie sur les dérives de la lutte indispensable contre les pervers. En effet, depuis l’adoption en août 1997 de la « circulaire Royal », qui impose le signalement au procureur du moindre « fait » suspect, les accusations de pédophilie en milieu scolaire se sont multipliées.

D’authentiques coupables ont été démasqués, mais des centaines d’innocents ont également vu leur vie brisée. Confrontés à une justice d’exception – inversion de la charge de la preuve, dérive vers la « présomption de culpabilité », sacralisation de la parole de l’enfant… –, plusieurs se suicideront. Or, depuis 1999, près de trois affaires sur quatre se sont conclues par un classement sans suite, un non-lieu ou une relaxe.

Grâce à ses propres enquêtes et à l’expérience de la Fédération des autonomes de solidarité, la principale association d’enseignants, Marie-Monique Robin rapporte ici des témoignages bouleversants d’enseignants injustement mis en cause. Et elle explique comment la plupart de leurs collègues ont modifié en profondeur leurs comportements vis-à-vis des élèves : suppression des classes vertes jugées « trop dangereuses », limitation de tout contact physique – potentiellement « suspect » – allant jusqu’au refus de soigner des enfants blessés, etc.

Entre la protection des victimes et le respect de la présomption d’innocence, faut-il vrai-ment choisir ? L’alerte à l’enseignant pédophile nous interpelle sur l’école que nous souhaitons : celle du soupçon ou celle de la confiance ? Et sur la société de demain, où les enfants d’aujourd’hui auront été conditionnés à assimiler à la perversion tout contact physique avec l’adulte.

Téléchargez ici l'introduction de cet ouvrage

60e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz

Lorsque l’Armée rouge pénètre à Auschwitz, au mois de janvier 1945, elle découvre la réalité « innommable » de l’univers concentrationnaire. Situé dans le sud de la Pologne, près de l’actuelle frontière tchèque, le camp d’Auschwitz (Oswiecim) fut en effet le prototype le plus achevé du camp d’extermination : on estime qu’y furent assassinées entre 1,2 et 1,5 million de personnes, en grande majorité des juifs, non seulement polonais mais déportés de tous les pays d’Europe sous la domination nazie, hommes, femmes, enfants, vieillards, familles entières sans distinction, le plus souvent exterminés dans les chambres à gaz dès leur arrivée. Symbole de l’extermination des juifs d’Europe, le camp fut officiellement libéré le 27 janvier 1945.
La Découverte s’associe aux commémorations de ce soixantième anniversaire en publiant pour la première fois en édition de poche un document exceptionnel : Le commandant d’Auschwitz parle. Initialement publié chez Julliard en 1959, réédité à la Découverte il y a dix ans, il contient la transcription des mémoires du directeur du camp de 1940 à 1943, Rudolf Hoess, mémoires dictés avant son exécution par pendaison, sur le lieu même de ses crimes, le 2 avril 1947.
Nazi de la première heure, engagé dans la S.S. dès 1934, Hoess avait fait ses « classes » en Bavière dans le camp de Dachau. Archétype de la « banalité du mal » décrite par la philosophe Hannah Arendt, Hoess était un bon père de famille de cinq enfants, un fonctionnaire zélé attaché au meilleur fonctionnement possible de son organisation de mort industrielle. À ce titre, quoique parfois contradictoire, ce document est tout à fait irremplaçable et compte parmi les ouvrages essentiels d’une bibliographie désormais immense. Dans cette nouvelle édition, l’historienne Geneviève Decrop le met en perspective et fait un point sur le passionnant débat historiographique des années 1980-1990, débat qui a contribué de façon décisive, grâce au travail des chercheurs, des témoignages, des récits à mettre des mots sur l’« indicible ».

Bibliographie :
> Arno J. Mayer, La « solution finale » dans l’histoire
> André Sellier, Histoire du camp de Dora
> Patrick Coupechoux, Mémoires de déportés
> Pierre Vidal-Naquet, Réflexions sur le génocide. Les juifs la mémoire et le présent
 

ARTE - Square Idée

Peter Wagner, auteur de Sauver le progrès, est l'invité de l'émission Square Idée sur Arte.
FRANCE CULTURE - Cultures Monde

Florian Delorme reçoit Juliette Volcler, auteure du livre Contrôle.
FRANCE INTER - L'heure bleue

Laure Adler reçoit Elise Thiébaut, auteure du livre Ceci est mon sang.  

NOVA - La matinale

Thomas Baumgartner reçoit Juliette Volcler, auteure du livre Contrôle.
BFM TV - La librairie de l'éco

Emmanuel Lechypre reçoit Alain Garrigou, auteur du livre La Politique en France.

FRANCE CULTURE - La suite dans les idées

N'en déplaise à certains clichés, l'écologie politique ne puise pas toutes ses racines idéologiques à droite. Toujours minoritaires mais pertinents, des penseurs de gauche ont depuis le XIXe siècle dessiné l'horizon d'une société écologique. Le philosophe Serge Audier en retrace l'histoire dans son livre  La Société écologique et ses ennemis à paraître  le 16 mars. Il  était l'invité de "La suite dans les idées" de Sylvain Bourmeau samedi 11 mars pour en parler.