À l'époque où l'esclavage s'impose dans les îles françaises des Antilles, le travail devient, dans les sociétés européennes, un élément constitutif de l'avènement de la modernité capitaliste dans les sociétés occidentales. Bien qu'étroitement articulé au système économique européen, le système esclavagiste apparaît s'opposer à cette mise en gloire du travail. C'est ce paradoxe que l'ouvrage de Caroline Oudin-Bastide s'efforce d'explorer. Mobilisant une documentation très diverse (ouvrages esclavagistes et abolitionnistes, correspondance administrative et textes littéraires), elle montre que les planteurs esclavagistes des Antilles françaises, installés dans la consommation ostentatoire, s'adonnant au jeu et aux plaisirs, cultivant l'oisiveté, ne formèrent pas une classe capitaliste, partageant cet " esprit du capitalisme " propre, selon Max Weber, à la bourgeoisie montante. Elle analyse par ailleurs très finement le rapport au travail des esclaves, généralement contraints à la forme la plus extrême et la plus inhumaine de travail pour autrui. En étudiant les modalités du travail servile, de sa division et de ses statuts, comme de ses pratiques quotidiennes, Caroline Oudin-Bastide offre une contribution importante à l'anthropologie du système esclavagiste, qui se caractérise avant tout par sa logique de dévalorisation du travail, d'autant plus grande qu'elle fut constamment, et nécessairement, associée à la violence, considérée comme l'unique moyen de vaincre la " paresse naturelle " de l'esclave. Au carrefour de l'histoire économique et de l'anthropologie historique, cet ouvrage dresse un portrait original et saisissant de la société esclavagiste des Antilles françaises.
Caroline Oudin-Bastide est docteure en histoire et civilisations de l'EHESS. Outre les sources imprimées, elle a exploité les documents judiciaires et administratifs entreposés au Centre des Archives d'Outre-mer (Aix-en-Provence) et aux Archives départementales de la Guadeloupe et de la Martinique. Elle est l'auteure de Travail, capitalisme et société esclavagiste (La Découverte, 2005).
" Voilà un livre à lire. Souvent orienté vers l'étude des mécanismes économiques et sociaux, l'histoire de la plantation s'ouvre ici à celle des représentations : celles du rapport au travail, à l'enrichissement et au capitalisme dans la société esclavagiste de la Guadeloupe et de la Martinique. [...] Fort bien écrit, cet ouvrage passionnant se lit d'un trait. L'idée directrice est séduisante : celle d'une "contradiction" entre les valeurs des planteurs et la "glorification du travail" contemporaine de l'entrée de l'Europe dans la société industrielle. "
LE MONDE DES LIVRES
" Par la grâce d'une écriture fluide, d'un recours systématique à un énorme éventail de sources écrites, l'auteur a transformé ce qui aurait pu n'être qu'une thèse ennuyeuse en un document de vie extraordinaire sur le quotidien des esclaves et de leurs maîtres dans les Antilles françaises. "
ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES
" L'esclavage, longtemps délaissé par les historiens, fait l'objet depuis une dizaine d'années d'un regain d'intérêt. La plupart des études se focalisent sur les aspects politiques et idéologiques. Ce n'est pas le cas du livre de Caroline Oudin-Bastide, qui s'intéresse, à partir du cas des Antilles françaises aux XVIIIe et XIXe siècles, à la question du travail et à la façon dont le rapport au travail a fait évoluer des sociétés esclavagistes souvent perçues comme figées. "
LIBÉRATION
" L'esclavage antillais du temps de la monarchie, note Mme Oudin-Bastide, est peureusement ignorée par nos programmes scolaires républicains. Cette mémoire "obscure" selon Chamoiseau, cette mémoire muette est réveillée ici, avec compétence et vivacité. "
LA QUINZAINE LITTÉRAIRE
" De belles pages sont consacrées aux planteurs esclavagistes, à leur consommation ostentatoire, leur oisiveté molle, justifiée de mille et une manières : le rang, le climat, la promiscuité, etc. [Cet ouvrage] fourmille d'analyses subtiles des textes, de remarques sociologiques très fines. En cela, sa lecture est tout à fait instructive et nécessaire pour tous ceux, de plus en plus nombreux, que passionnent l'histoire de l'esclavage. "
L'HISTOIRE
" À l'époque où l'esclavage s'impose dans les îles françaises des Antilles, le travail devient, dans les sociétés européennes, un élément constitutif de la modernité capitaliste. Bien qu'étroitement articulé au système économique européen, le système esclavagiste paraît s'opposer à cette mise en valeur du travail. C'est ce paradoxe que l'ouvrage de Caroline Oudin-Bastide s'efforce d'explorer. "
FRANCE ANTILLES
" Ce travail, très riche pour la documentation, très stimulant pour la réflexion, apporte une contribution fondamentale au débat, récurrent depuis l'époque des abolitions, sur les voies de la modernité. Le grand mérite du livre de C. Oudin-Bastide est de montrer que celles-ci ne sont pas rectilignes. "
ANNALES
2024-12-13 - PRESSE
Introduction
Quelques repères historiques
1. Les planteurs et l'" esprit du capitalisme "
Ostentation et simulacre
Otium et negotium
2. L'irrésistible érosion du travail " sous peau blanche "
Une inéluctable substitution ?
Une agriculture sans paysans ?
Une érosion expliquée
Une érosion contestée
3. La division du travail servile
La division sociale du travail esclave
La division technique du travail servile
L'origine et la race
Un travail désexualisé ?
Travail et œuvre
4. Travail pour autrui et travail pour soi
Jardins et " samedi-nègre "
Location d'esclaves
Une subvension du système ?
5. De l'inhumain
Marchandise et bête de somme
De la nécessité de la violence
6. L'ambivalence de la relation maître-esclave
Une inquiétante proximité
Fuite dans la mort et marronnage
7. Travail et émanticipation
De la paresse des nègres
Moraliser les nègres.
Conclusion.