2016-03-27 - Séverine Kodjo-Grandvaux et Michael Pauron - Jeune Afrique
Une politique fondée sur « la discrimination de l'ami et de l'ennemi » : c'est cette vision de Carl Schmitt, philosophe antidémocratique s'il en fut, qu'Achille Mbembe voit triompher aujourd'hui au sein même des démocraties libérales. La guerre comme « sacrément de notre époque » : le thème est « rugueux », reconnaît-il. C'est donc la tension que l'historien et philosophe camerounais, reconnu comme l'un des théoriciens les plus créatifs et critiques de la postcolonie
2016-04-02 - Martin Legros - Philosophie Magazine
Le vertige de la séparation, la haine-peur de l’Autre et ses effets de « déliaison » sont-ils les formes contemporaines de l’ « arrangement avec le monde » qui est aujourd’hui imposé à l’humanité ? Et qui se traduit en une course vers l’auto-anéantissement ? L’auteur de La Naissance du maquis dans le Sud-Cameroun, de De la post-colonie et de Critique de la raison nègre fait preuve, dans ce dernier ouvrage, d’un élan visionnaire, de rigueur analytique et d’une brillance synthétique qui déjouent la vulgate médiatique des « grands évènements ». Les représentations officielles des mouvements migratoires et de la guerre entre « hommes de la terreur » et antiterroristes en font les frais. Autant que la notion de démocratie et son parcours historique né dans la traite et accéléré par la colonisation. Un essai à haute intensité intellectuelle, magistral et précurseur, puisant dans l’œuvre de Frantz Fanon.
2016-04-29 - Luigi Elongui - Afrique Asie
Face aux dérives sécuritaires et racistes qui se multiplient, l’historien et politologue Achille Mbembe, dans un nouvel essai lucide et brillant, Politiques de l’inimitié, nous donne les moyens de penser un nouveau monde en commun. Peu avant sa mort prématurée en 1940, Walter Benjamin lançait, dans ses thèses Sur le concept d’histoire, un dernier appel en nous enjoignant d’écrire l’histoire non plus avec le point de vue des vainqueurs et des puissants, mais avec celui des vaincus, des opprimés, des « sans-voix ». Un tel projet pourrait ainsi, selon le philosophe, apporter de nouveaux éclairages sur le passé et devenir, pour le présent comme pour le futur, une véritable « illumination ». C’est un tel défi que relève, avec succès, Achille Mbembe dans son dernier ouvrage Politiques de l’inimitié.
2016-05-18 - Alexis Pierçon-Gnezda - Les Inrockuptibles
L’inimitié est devenue le mode dominant de relation, à l’ère du capitalisme financier en crise et de la guerre contre le « terrorisme ». C’est le constat que dresse Achille Mbembe. L’historien et philosophe esquisse quelques précieuses voies de sortie pour une politique de la relation à l’échelle globale. En rupture avec les logiques de domination économique, les replis identitaires et les élans impérialistes.
2016-05-20 - Rosa Moussaoui - L'Humanité
L’historien et politologue camerounais rappelle l’importance du vivre-ensemble, à l’heure où le désir d’ennemi n’a jamais été aussi fort. Et imagine une Afrique ouverte, quand l’Europe, elle, se referme. (…) Alors que les notions de vivre-ensemble, de soin, d’État-providence se voient largement attaquées en ce moment – jugées trop bienveillantes ou politiquement correctes –, Achille Mbembe, passeur et passant, réhabilite, lui, dans son essai cette relation de soin, jadis pensée par l’un de ses maîtres, le psychiatre, théoricien et militant anticolonialiste Frantz Fanon.
2016-05-21 - Juliette Cerf - Télérama
Dégonfler les héroïsmes nationaux et redéfinir une pensée de la circulation et du détachement : les thèses décapantes de l’historien franco-camerounais rafraîchissent le débat dans une Europe rongée par le « désir d’apartheid ». C’est un homme qui n’a pas peur de jeter par la fenêtre l’histoire nationale, les identités et les frontières. L’universalisme à la française ? « Péteux », affirme l’historien Achille Mbembe. Comme le petit dernier d’une famille, brillant mais insolent, l’intellectuel à la renommée internationale peut se permettre de bousculer ce vieux pays qu’est la France. Malgré une carrière menée depuis trente ans entre les États-Unis et l’Afrique du Sud, il continue de « penser et écrire » en français. D’une certaine façon, Achille Mbembe est l’anti-Finkielkraut par excellence. À ceux qui, dans le sillage de l’académicien français prônent le repli identitaire, l’historien avance le détachement. À la manière d’un Édouard Glissant, un de ses maîtres à penser, il ne limite pas sa géographie à celle de la nation mais l’élargit au « Tout-Monde ». Il rêve d’écrire une histoire commune à l’humanité qui dégonflerait tout héroïsme national tapageur et redessinerait de nouveaux rapports entre le même et l’autre ? Dans une France et une Europe qui redoutent même leurs ombres, on voit bien le potentiel subversif de la pensée de Mbembe. Son dernier livre publié à La Découverte, au printemps, Politiques de l’inimitié, dresse le portrait peu amène d’un continent rongé par le « désir d’apartheid », mû par la recherche obsessionnelle d’un ennemi et avec la guerre comme jeu favori. Exagéré ? Lui assume le trait volontairement forcé. « Il faut réveiller ce vieux continent », dit-il lors d’une rencontre en mai à Paris.
2016-06-02 - Cécile Daumas - Libération
Dans son dernier opus, le chercheur Achille Mbembe propose d’inventer une démocratie qui s’ouvre à l’ailleurs, qui intègre l’ensemble du vivant, mais défend aussi l’idée que l’humanité ne fait peut-être que passer sur Terre. Une approche non conventionnelle brillante.
2016-06-03 - Luigi Elongui - Afrique Asie
En ces temps tourmentés, Achille Mbembe examine la violence de la guerre terroriste et contre-terroriste en s’appuyant notamment sur l’œuvre de Frantz Fanon. Il met ici au jour des processus de « sortie de la démocratie » et d’entrée dans la conflagration avec l’ennemi, que l’on se prend à haïr. Mais qui est l’ennemi ? « Figure déroutante de l’ubiquité, il est désormais d’autant pus dangereux qu’il est partout : sans visage, sans nom et sans lieu. » Le mot « inimitié », à la suite de Carl Schmidt, « renvoie à un antagonisme suprême » sur fond de loi du Talion, et l’instinct suicidaire réalisé bouscule l’éthique. Si les démocraties libérales, confrontées à cet ennemi, lui font face, l’état d’exception qui en résulte vient interroger le sens de la sécurité et de la liberté. (…) Pour bien vivre sur la terre qui est notre lieu commun, ne faudrait-il pas réapprendre à devenir humain ? Soigner consiste surtout « à rétablir le malade dans son être et dans ses relations avec le monde ». Cet ouvrage nous invite à relire les éthiques de la guérison qui mettent l’accent sur la construction des liens entre les personnes.
2016-06-04 - François-Xavier Akono - Études
« Il n’y a qu’un seul monde ». C’est sur ce titre, donné à l’épilogue, que se terminait le précédent livre d’Achille Mbembe, Critique de la raison nègre (La Découverte, 2013). Il n’y a qu’un seul monde et c’est celui-ci, celui « du grand débarras » cruellement décrit dans son nouvel essai Politiques de l’inimitié : le débarras « des musulmans qui encombrent la cité, des Nègres et autres étrangers que l’on se doit de déporter, des terroristes (ou supposés tels) que l’on torture soi-même ou par procuration, des juifs dont on regrette qu’il y en ait eu tant à avoir échappé aux chambres à gaz, des migrants qui accourent de partout, des réfugiés et des naufragés, ces épaves dont les corps, à s’y méprendre, ressemblent à autant d’amas d’ordures, le traitement de masse de cette charogne humaine, dans sa moisissure, sa puanteur et sa pourriture ». Il faut écouter cette langue avant d’aller plus avant. Cette langue, qui charrie la violence et la mort, fait la puissance des livres d’Achille Mbembe, prose poétique aux accents macabres qui nous rappelle, un peu à la manière d’un François Villon, que nous sommes chair et poussière. Chair et poussière, et pas seulement concepts abstraits, entités lointaines que l’on peut laisser couler en mer Méditerranée.
2016-06-22 - Julie Clarini - Le Monde
Politiques de l’inimitié prolonge le renversement critique, qui est au cœur de l’œuvre d’A. Mbembé. Il s’agit de renouveler les cadres et les futurs de la pensée à partir de cet espace qui a été constitué, dans l’archive européenne, comme un lieu de non-pensée.
2016-10-01 - Nadia Yala Kisukidi - Revue Française de Science Politique
This essay explores an interaction which is constantly spreading and reshaping itself on a global scale: enmity. Drawing to some extent on Frantz Fanon’s psychiatric and political work the author shows how, in the wake of the decolonisation conflicts of the twentieth century, war – in the form of conquest and occupation, terror and counterrevolution – has become the sacrament of our age.
This transformation has given rise to fervent movements which, little by little, cause liberal democracies to embrace exception, embark on unrestricted actions, and aspire to create a dictatorship against themselves and their enemies.
In this brilliant, highly topical essay, Achille Mbembe examines, among other things, the consequences of this shift, and the new terms used to discuss the relationship between violence and the law, the norm and the exception, the conditions of war, security and liberty.
In the context of a shrinking world and changing populations due to new migratory patterns, this essay not only opens new avenues for critical discussion of atavistic nationalism, it also goes beyond humanism to lay the foundation of a politics of humanity.
Achille Mbembe is Cameroonian. A major African intellectual figure, he is professor of history and political science at the University of Witwatersrand in Johannesbourg (South Africa). A researcher at the Witwatersrand Institute for Social and Economics Research (WISER), he also teaches in the French Department at Duke University (United States). He is notably the author, at La Découverte, of Sortir de la grande nuit. Essai sur l’Afrique décolonisée (2013) and of Critique de la rasion nègre (2013, 2015).