Trahir et venger
Paradoxes des récits de transfuges de classe

Laélia Véron, Karine Abiven

Les récits de transfuges de classe – c'est-à-dire des personnes ayant connu une forte mobilité sociale, souvent ascendante – se sont multipliés ces dernières années, dans des domaines divers (littéraire, sociologique, politique, médiatique) et sur des supports variés (livres, journaux, réseaux sociaux). Comment expliquer un tel succès ? C'est que le récit de transfuge traite aussi bien d'enjeux collectifs (la place des classes populaires, les injustices et les possibilités de réparations sociales) que d'enjeux personnels (le parcours de vie singulier, l'identité fractionnée, l'acceptation de soi), dans une perspective souvent présentée comme politique.
Peut-on à la fois trahir les siens, en changeant de classe, en adoptant d'autres valeurs, voire une autre identité, tout en prétendant les venger, en leur offrant un espace de représentation, en leur rendant une parole publique dont ils et elles sont privées ? Tel est le principal paradoxe du discours de transfuge qui prétend porter une parole populaire mais qui peut être accusé de la confisquer.
En adoptant les outils de l'analyse du discours, ce livre interroge les ambitions du récit de transfuge de classe. Est-il un contre-récit, qui s'oppose aux récits dominants, ou bien est-il devenu, malgré lui, un récit mythique, récupéré par le storytelling médiatique et politique libéral ?

Version papier : 19.50 €
Version numérique : 13.99 €
Facebook Twitter Google+ Pinterest
Détails techniques
Collection : Cahiers libres
Parution : 04/04/2024
ISBN : 9782348082610
Nb de pages : 232
Dimensions : 14.0 * 20.5 cm
ISBN numérique : 9782348082627

Laélia Véron

Laélia Véron
Laélia Véron est maitresse de conférences en stylistique et langue française à l'université d'Orléans, docteure en langue et littérature françaises, agrégée de lettres modernes et diplômée de l'ENS de Lyon. Elle travaille sur les liens entre langage et pouvoir. Elle est également
chroniqueuse sur France Inter et enseignante en milieu carcéral.

Karine Abiven

Karine Abiven est maitresse de conférences en langue française et analyse du discours à Sorbonne Université et membre de l'Institut universitaire de France. Spécialiste du récit, elle travaille sur les cultures narratives, ainsi que les écrits et chansons politiques d'Ancien Régime.

Extraits presse

C'est un livre à la fois très documenté et très clair, qui permet d'éclairer cette question : finalement, à quoi servent ces récits de "transfuge de classe' ? Ont-ils le potentiel politique "émancipateur' que ses partisans, notamment à gauche, lui prêtent ? (...) Laélia Véron et Karine Abiven insistent sur le flou qui entoure ce concept de transfuge et surtout le caractère ressenti de cette caractérisation.

2024-03-25 - Nicolas Framont - Frustration Magazine

 

Dans " Trahir et venger ", Laélia Véron et Karine Abiven décryptent les œuvres dont l'ambition est de porter la parole des classes populaires. Selon les deux universitaires, d'Annie Ernaux à Edouard Louis en passant par Nicolas Mathieu, elles contribuent à forger une image biaisée de la mobilité sociale. (...) Elles s'interrogent notamment sur la façon dont ces œuvres, basées sur le récit de soi, dessinent une vision de l'ascension sociale éloignée des réalités actuelles.

2024-04-01 - Magali Cartigny - Le Monde

 

Un concept est peu à peu entré dans les conversations pour désigner les gens ayant cheminé jusqu'à la sphère bourgeoise depuis le milieu populaire de leur enfance : le transfuge de classe. En littérature, ils sont peu nombreux et leurs destins, des plus contrastés, qui vont du prix Nobel remis à l'une, Annie Ernaux, porte flambeau de ce petit courant littéraire, à l'invisibilisation de l'autre, tel un Daniel Hébrard reclus dans un coin des Cévennes à écrire splendidement mais sans une reconnaissance à la hauteur de son talent. Dans un essai piquant, vivifiant, étonnant, coécrit avec Karine Abiven, universitaire comme elle, Laélia Véron raconte et analyse ce phénomène.

2024-04-04 - Anne Crignon - Le Nouvel Obs

 

Annie Ernaux, Édouard Louis, Nicolas Mathieu... Les récits de transfuges de classe se multiplient dans la littérature actuelle. Dans cet essai (avec Karine Abiven), Laélia Véron étudie ce phénomène. (...) Trahir et venger cherche à éclaircir les paradoxes d'un concept tellement mobilisé qu'il en devient parfois confus.

2024-04-08 - Jean-Marie Durand - Les Inrockuptibles

 

Cet ouvrage offre donc des outils d'analyse précieux pour lire mais aussi relire les récits qui représentent une mobilité sociale tout en soulevant les paradoxes qui leur sont constitutifs pour nous inviter à interroger ce qu'ils disent, ce qui se dit sur eux mais aussi nos propres représentations de ces récits.

2024-04-22 - Cécile Vallée - Collateral

 

La linguiste Laélia Véron décèle dans les récits de soi une tendance à la " prolétarisation des origines " pour mieux valoriser le mérite individuel. L'autrice dégage des constantes, pointe une forme de complaisance mais aussi des nuances. Ce scrupuleux travail critique épingle avec adresse l'ambivalence d'une expression de plus en plus galvaudée.

2024-05-01 - Psychologies

 

Table des matières

Nota bene
Remerciements
Introduction

Les " vrais " et les " faux " transfuges
Que devient la " classe " dans ces récits ?
Pour une analyse sociostylistique du récit
1. Récits subjectifs contre catégorisations scientifiques ?
Comment évaluer la mobilité sociale ?
L'intime est-il (vraiment, toujours) politique ?
Difficultés critiques, malaises politiques ?
Éviter les mythologies : la littérature " pure " contre le storytelling
Des discours en réseaux
2. Du traitre au vengeur ? Histoire de l'expression " transfuge de classe "
Les expressions de la mobilité sociale depuis le 19e siècle
Naissance et construction théorique de l'expression
" Transfuge de classe ", " transclasse " ou " migrant de classe " ?
Corriger ou retourner le stigmate de transfuge ?
3. Transfuges partout ? Extension du domaine des récits
La constitution d'un canon
La multiplication des récits de transfuges de classe depuis les années 2010
Relectures ou anachronismes ?
L'arnaque Rastignac et autres contresens
Une catégorie médiatique
Jouer le jeu médiatique ?
Un prêt-à-penser médiatique ?
4. Modèles, recettes et subversions du récit de transfuge de classe
Invariants narratifs et thématiques
La focalisation sur l'individu
Échapper à l'héroïsation ?
L'école et l'enjeu méritocratique
Récits de transfuges méritocratiques...
... et anti-méritocratiques
Limites politiques d'une vision centrée sur l'école
Honte et violence symbolique
Dépasser la honte
Résilience et hybridité identitaire
5. Langue dominée et langue dominante : vers un style de transfuge ?
La diglossie, ou la coexistence de langues hiérarchisées
Représenter la langue populaire
Créer une langue de transfuge ?
Paradoxes du style
Être héritier littéraire et écrivain transfuge ?
6. Des récits politiques ? Pouvoir dire " nous "
De quoi les transfuges de classe sont-ils exemplaires ?
Le paradoxe du ou de la transfuge modèle
Le ou la transfuge comme porte-parole ?
Parler des autres : " je " et " eux "
Parler à la place de l'autre ?
Vers un " nous " – mais lequel ?
Récit ou réclame politique ?
Conclusion
Trahison ou restitution ?
Limites politiques, limites sociologiques
Avenirs des récits de transfuges
Notes.