La reproduction et ses injustices

Revue Travail, genre et sociétés

Dans un contexte où le recours à la PMA est fait d'injustices et d'inégalités marquantes, et où la biomédecine, en tant qu'imaginaire sociotechnique, a construit la filiation biogénétique comme une fin atteignable et désirable, les théories féministes ont développé trois types de perspectives critiques, récemment utilement thématisées [Smietana et al., 2018]. Un premier cadrage est celui de la " justice reproductive " comme mouvement et théorie développés en 1994 par des femmes américaines de couleur en quête de droits et ressources pour toutes les femmes marginalisées [Ross, 2006 ; Ross et Solinger, 2017]. Ces dernières appellent alors à élargir le mouvement pour les droits reproductifs – largement centré sur les besoins des femmes non racisées de classe moyenne et supérieure – au " droit humain de conserver son autonomie corporelle, d'avoir des enfants " " ou de ne pas en avoir " et de les élever " dans des communautés sûres et durables ". Une seconde approche est celle de la " reproduction stratifiée " [Colen, 1995 ; Ginsburg et Rapp, 1995], qui identifie les héritages coloniaux et impérialistes des hiérarchies transnationales contemporaines pour souligner comment des circonstances globales et locales soutiennent certaines catégories de population dans leurs projets reproductifs tandis qu'elles posent de nombreux obstacles à d'autres. Enfin, les approches queer se proposent de " troubler " les implicites sociaux et de genre de la reproduction [Downs et Laufer, 2012 ; Leibetseder, 2018], en lui reconnaissant sa force de transformation sociale – contrairement aux deux autres approches plus critiques à son endroit. Mais les oppositions ne sont en réalité pas si tranchées, ne serait-ce que parce que les personnes LGBTQI+4 médicalement moins bien prises en charge et objet d'une surveillance accrue, sont conscientes des exclusions à l'œuvre dans les parcours de PMA. De plus, les approches queer se sont tôt mêlées aux critiques féministes, de classe, de race, du validisme, contre la marchandisation et la médicalisation de la grossesse pour circonscrire les enjeux que pose cette pratique [Thompson, 2002]. Enfin, le potentiel subversif de la PMA comme le rôle positif qu'elle joue face à la douleur d'une infertilité subie, rassemblent ces différentes traditions.
Les articles qui composent ce dossier se réfèrent diversement à ces grilles d'analyse et types d'injustices.

Facebook Twitter Google+ Pinterest
Détails techniques
ISBN : 9782348080265
Nb de pages : 252
Dimensions : 15.5 * 23.5 cm

Revue Travail, genre et sociétés

Travail, genre et sociétés est une revue semestrielle à vocation pluridisciplinaire et européenne, créée par le groupement de recherche Marché du travail et genre en Europe (Mage - CNRS) et publiée sous la direction de Margaret Maruani.
Elle a pour vocation de confronter les points de vue de chercheurs (sociologues, économistes, juristes, historiens, etc.) sur les inégalités entre hommes et femmes au travail et, plus largement, sur la place des femmes dans la société.
La revue a été éditée par L'Harmattan (jusqu'en 2004) puis par Armand Colin (de 2005 à 2008).
Pour s'abonner à la revue, rendez-vous sur le site Cairn.info

Table des matières

Parcours
Nicole Questiaux. Mai 1981 : ministre de la Solidarité nationale, par Clotilde Lemarchant et Frédéric Neyrat
Dossier, coordonné par Delphine Gardey et Claire Grino
La reproduction et ses injustices
Introduction, par Delphine Gardey et Claire Grino
40 ans de reproduction médicalement assistée : une lecture anthropologique et féministe, par Sarah Franklin, propos recueillis par Delphine Gardey
La PMA en France : une reproduction des inégalités de genre ? par Virginie Rozée et Élise de La Rochebrochard
De la stérilisation imposée à la préservation de la fertilité des personnes trans : les médecins au travail, par Solène Gouilhers, Delphine Gardey et Raphaël Albospeyre-Thibeau
Justice reproductive en Finlande ? Le mythe de l'homogénéité
dans une social-démocratie nordique, par Mwenza Blell et Riikka Homanen, traduction par Hélène Windish
Vers une justice reproductive queer au coeur des bioéconomies
transnationales, par Laura Mamo, traduction par Hélène Windish
Mutations
Une vulnérabilité dévoyée : le paradoxe entre discours et réalité du travail des femmes au sein d'une Scop industrielle, par Ada Reichhart
Quand l'articulation des temps éclaire les positions sociales. Le cas des travailleur·se·s indépendant·e·s, par Julie Landour
Controverse, coordonnée par Jacqueline Laufer, Monique Meron et Hyacinthe Ravet
L'artiste et son oeuvre : peut-on les séparer ? Un art de la ruse. La distinction entre l'homme et son oeuvre, cache-sexe de la domination masculine, par Reine Prat
L'artiste, l'oeuvre et nous. Aborder Polanski après #MeToo, par Naomi Toth
De quoi le " cinéma d'auteur " est-il le nom ? Peut-on et faut-il séparer l'auteur de ses films ? par Geneviève Sellier
Peut-on associer l'oeuvre et le compositeur ? par Catherine Deutsch
La distanciation entre l'auteur et ses propos : une notion efficace pour trancher le contentieux relatif à la liberté de création ? par Anna Arzoumanov
Les fondements impurs de l'autonomie, par Gisèle Sapiro
Critiques
La pin-up à l'atelier. Ethnographie d'un rapport de genre d'Anne Monjaret, par Nicolas Hatzfeld
Amours clandestines : nouvelle enquête. L'extraconjugalité durable à l'épreuve du genre de Marie-Carmen Garcia, par Annik Houel
Genre et féminismes au Moyen-Orient et au Maghreb d'Abir Krefa et Amélie Le Renard, par Feriel Lalami
La résistance à l'épreuve du genre. Hommes et femmes dans la résistance antifasciste en Europe du sud de Laurent Douzou et Mercédès Yusta (dir.), par Cindy Coignard
La bataille du genre. Du mariage pour tous à la PMA de Céline Béraud, par Clotilde Lemarchant
Femmes en exil. Les réfugiées espagnoles en France (1939-1942) de Maëlle Maugendre, par Cindy Coignard
Ouvrages reçus
Auteur∙e∙s
Résumés.