2014-06-01 - Le journal du CNRS
Le titre pourrait prêter à confusion, il ne s'agit pas d'une formulation plus ou moins métaphysique d'un idéal politique, mais, au contraire, d'une stimulante enquête sociologique et philosophique sur les mouvements de contestations, de luttes, de désobéissance civile qui, notamment depuis 2011, contaminent une partie de la planète - de la place Tahir à Occupy Wall Street, en passant par l'Amérique du Sud ou Notre-Dame-des-Landes. Le tout est orienté par une double et convaincante intuition. D'une part, si ces mouvements sont souvent décriés comme naïfs, improductifs ou limités, c'est qu'ils engagent une redéfinition même du cadre de référence - actuellement, "pouvoirs + partis + urnes" - à travers lequel nous envisageons la chose politique. D'autre part, ces mouvements apparaissent comme le creuset où s'expérimentent les formes majoritaires du politique à venir, une exigence de reconnaissance et d'autonomie, une convergence entre expression de soi et expression populaire. Moins un système donc, qu'un genre de "boîte à outils" - d'où l'on pourra tirer des concepts comme le "care" ou l'"empowerment" - a l'usage d'un nouveau "romantisme réaliste" animé par la certitude que la démocratie est toujours à recommencer.
2014-09-01 - Philippe Nassif - Philosophie magazine
Sandra Laugier et Albert Ogien prennent l’habitude, non dénuée d’intérêt pour nous, d’enquêter sur des pratiques politiques souvent laissées dans l’ombre. Après la désobéissance civile, objet d’un précédent ouvrage, ils se saisissent, avec Le Principe démocratie, des mouvements de protestation qui ont germé dans le sillage des révolutions arabes. Ils posent qu’il existe, entre eux, des traits communs et que cet air de famille exprime autre chose que la viralité des techniques de lutte à l’heure d’Internet. Si le livre est parfois discutable, toujours stimulant – quelquefois répétitif –, il pointe parfaitement l’exigence de « démocratie réelle » au cœur de ces mouvements, cette exigence d’une réalisation effective des promesses démocratiques qui porte la marque d’une sensibilité nouvelle, au ras de la vie ordinaire et de ses indignations dans le respect de la capacité de chacun à décider. Ce nouveau rapport au politique se double d'une grande indifférence à la prise de pouvoir comme à la vie politique orchestrée par les institutions. Autant dire, une fois rappelé leur refus de la violence et de tout projet programmatique, que ces contestations, dont les traits majeurs se trouvent ici saisis et décryptés, ont des destins politiques divers. Avant-garde insurrectionnelle comme à Kiev, en Ukraine ou, plus souvent, crises sporadiques et tolérées dont l'influence se fera sentir, comme le pensent les auteurs, sur le temps long des sociétés ?
2014-09-05 - Julie Clarini - Le Monde des livres
De Kiev, cet hiver, aux révolutions arabes en 2011, en passant par les Indignés à Madrid ou le mouvement Occupy Wall Street à New York, la rue est-elle devenue une contre-arène politique alors que les électeurs désertent de plus en plus l’exercice électoral et restent perplexes devant les actuels jeux du pouvoir ? Pour la philosophe Sandra Laugier, professeure à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, membre de la direction scientifique du CNRS et le sociologue Albert Ogien, directeur de recherche au CNRS, de nouvelles pratiques ont vu le jour dans ces mobilisations, en dehors du cadre classique des partis. Dans le Principe démocratie, qu’ils viennent de publier, ils essaient de rendre légitimes ces tentatives de rénovation démocratique. Ces mouvements contredisent les discours déclinistes sur une dépolitisation généralisée.
2014-09-06 - Cécile Daumas - Libération
En 2011, le monde est entré dans une période d'effervescence politique. Au "dégage", scandé en Tunisie et en Egypte ont fait écho le "Y en a marre" de Dakar, le "Nous existons" des Russes et le "Nous sommes tous des manchots" à Istanbul. Ces mouvements se sont crées hors des institutions politiques en place. Les auteurs du livre, un sociologue et une philosophe scrutent les contours de ces nouvelles revendications, aspirations et stratégies de luttes qui se dessinent dans le monde. Plutôt optimiste, ce qui est assez rare pour être souligné, le livre, sans prétendre dégager de nouvelles perspectives sur un temps si court, se termine sur la relation positive d'expériences de démocratie directe et la revendication d'un romantisme réaliste.
2015-01-01 - Silence
After the success and major impact of Pourquoi désobéir en démocratie ? (2010), the authors examine the expansion of the field of disobedience by looking at protest movements in developing countries, revolts against dictators, worldwide mobilizations, and struggles for automony through the demands of "real democracy," which is often expressed in these contexts.
Albert Ogien is a sociologist, director of research at the CNRS, and director of the Institut Marcel-Mauss (CNRS-EHESS). He is notably the author of L’Esprit gestionnaire (EHESS, 1995), Les Règles de la pratique sociologique (PUF, 2007) and of Désacraliser le chiffre (Quaé, 2013).
Sandra Laugier is a philosophy professor at the Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, a member of the Institut Universitaire de France, and director of the Centre de Philosophie Contemporaine at the Sorbonne. She recently published Wittgenstein, Les sens de l’usage (Vrin, 2009) and Tous vulnérables ? Le care, les animaux, l’environnement (Payot 2012). Ogien and Laugier together published, with La Découverte, Pourquoi désobéir en démocratie ? (2010).