De 1954 à 1962, au nom du rattachement de l'Algérie à la France qui interdisait d'y appliquer le droit de la guerre et de considérer les nationalistes comme des combattants, la justice et son personnel prirent une part active à la guerre d'Algérie : instruction des affaires, condamnations par milliers infligées par les tribunaux correctionnels et militaires, rappel de magistrats sous les drapeaux, etc. Les seules condamnations à mort atteignirent les 1 500, dont près de 200 furent exécutées. Dans ce livre passionnant et très documenté, Sylvie Thénault montre que cette insertion de la justice dans un vaste système de répression la priva de fait de son droit de regard sur les arrestations, les gardes à vue, les détentions et les interrogatoires pratiqués par l'armée. S'appuyant sur des archives jusque-là inaccessibles de l'Armée de terre et du ministère de la Justice, elle met au jour une justice amputée et réformée par les législations d'exception.
Sylvie Thénault, historienne, est directrice de recherche au CNRS. Elle a notamment dirigé Histoire de l'Algérie à la période coloniale : 1830-1962 avec Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou et Ouanassa Siari Tengour (La Découverte, 2012, 2014).
" Le livre important de Sylvie Thénault arrive à son heure pour remettre en perspective toute [une] période, qui affleure à nouveau dans la conscience française à propos de la guerre d'Algérie [...].Tel qu'il se présente, ce grand travail est appelé à faire date. "
LE MONDE DES LIVRES
" Une étude minutieuse, argumentée, probe et convaincante du fonctionnement de la justice entre 1955 et 1962. Un ouvrage qui nous en dit beaucoup sur la manière dont deux Républiques ont géré la décolonisation de l'Algérie. "
L'HISTOIRE
" Ces deux livres sont les dernières pièces essentielles de ce dossier tragique. " [À propos du livre de Sylvie Thénault et celui de Raphaëlle Branche : " La torture et l'armée pendant la guerre d'Algérie ". Ed. Gallimard.2001]
TÉLÉRAMA
" De même que l'on a aussi connu une drôle de guerre , ce fut une drôle de justice dont Sylvie Thénault a su reconstituer la sombre histoire [...]. De cette période de l'histoire de la magistrature en Algérie, que Sylvie Thénault analyse avec autant de brio que de clarté, on retiendra autant la création d'une nouvelle fonction ambiguë à souhait, celle de procureur militaire. "
LA QUINZAINE LITTÉRAIRE
" Historienne passionnée, Sylvie Thénault a un réel talent pour faire revivre les hommes, évoquer les situations paradoxales de guerre. Son grand travail fait entrer la séquence guerre d'Algérie dans le domaine de l'investigation historique sérieux. "
LE JOURNAL DU DIMANCHE
" Au travers d'un travail minutieux, [...] Sylvie Thénault donne une substance et une complexité à une réalité qui n'était connue qu'approximativement, en filigrane dans l'histoire du conflit [...]. Ce travail neuf, patient, rigoureux, est avant tout un travail d'histoire politique, non parce qu'il serait engagé mais parce qu'il est centré sur le rôle des grands hommes, les rouages du pouvoir, les réactions de l'opinion. "
DROIT ET SOCIÉTÉ
" Ce livre est une date dans la lente prise de conscience du sort fait à la Justice par une République dite des droits de l'homme. "
REVUE FRANÇAISE DE SCIENCE POLITIQUE
2024-12-13 - PRESSE
Préface, par Jean-Jacques Becher
Introduction
I / Genèse d'une situation controversée (1954-1956)
1. L'Algérie en 1954 : cent vingt ans de colonisation française
La justice et le droit, miroirs de la société coloniale
Le 1er novembre 1954, un événement fondateur ?
2. La justice en guerre
Le tribunal militaire et le camp, sièges de l'état d'urgence
La guerre encadrée par la loi ?
La pérennisation du système
II / Quand la guerre oblige la justice (1957-mai 1958)
3. 1957, l'année des grandes affaires
À la source : un nouvel environnement pour la justice
Incarner une répression qui s'amplifie
Bilan : une justice soumise à une logique de guerre
4. Aux limites de la légalité : l'internement
Un système parallèle de détention
Le règne de l'arbitraire
5. Hors de la légalité : torture, exécutions sommaires et disparitions
État des lieux
Le cas de conscience du magistrat : l'impuissance
Le cas de conscience du magistrat : l'inaction
III / La justice civile à l'heure du retrait (mai 1958-1962)
6. Agir : un impératif
Les exécutions, objets de toutes les préoccupations
Premiers pas vers des réformes plus profondes
Pendant ce temps...
7. Le décret du 12 février 1960, victoire d'une armée ambitieuse
Dans le maquis du droit, une réforme très politique
Le procureur militaire, gardien de la légalité ?
Développements en série dans l'esprit de la réforme
8. Faire régner la loi : une gageure
L'internement entre surveillance et promotion
" Toucher ces écrouelles sur le corps de la France... "
9. Dans la tourmente de la fin du conflit : une justice et des magistrats déboussolés
Contre les nationalistes : des tribunaux militaires imperturbables
Contre les activistes : l'exception comme règle
10. Bilan d'une guerre et de ses répercussions
La métropole, seul espace ouverte à la critique
Au fil du temps, vers le présent
Épilogue
Postface, par Pierre Vidal-Naquet
Bibliographie
Index.