Isabelle Bruno est maître de conférences à l’université Lille-II, chercheuse au Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS). Elle est l’auteur de À vos marques®, prêts… cherchez ! La stratégie européenne de Lisbonne, vers un marché de la recherche, Éditions du Croquant, 2008.
Emmanuel Didier est chargé de recherche au CNRS (directeur adjoint d'EpiDoPo, CNRS/UCLA). Il est l'auteur de En quoi consiste l’Amérique ? Les statistiques, le New Deal et la démocratie, Paris, La Découverte, 2009.
Julien Prévieux, artiste, né en 1974. Diplômé de l’Ecole supérieure d’Art de Grenoble et de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, est également titulaire d’une maîtrise de biologie.
2014-05-01 - Clément Ghys - Next
Les statistiques ont acquis de nos jours une puissance argumentaire décisive. Cela tient sans doute notamment à l'apparente objectivité que présentent ces données chiffrées. Et pourtant, de nombreux travaux ont depuis mis à mal cette croyance et montré combien ces données constituaient un instrument de contrôle social efficace, indispensable au développement des Etats modernes. Mais elles peuvent aussi être un levier d'émancipation quand les citoyens se les réapproprient, devenant une forme particulière de contestation que les auteurs ont baptisée "stat-activisme". Dans cet ouvrage collectif, chercheurs, artistes et militants montrent les multiples formes que peut prendre cette résistance à la domination par les statistiques, de la contestation des indicateurs existants à la proposition d'outils alternatifs, en passant par l'usage de la dérision afin de montrer l'absurdité de certains fétichismes régnant dans l'administration comme dans les entreprises. Une arène politique aussi cruciale qu'invisible, où la lutte ne fait sans doute que commencer.
2014-06-01 - Igor Martinache - Alternatives économiques
Le pouvoir, c'est le nombre. Ou plutôt « les » nombres, l'ensemble des statistiques, réputées imparables qui légitiment le pouvoir des Etats néolibéraux. Voici le constat de ce livre collectif, dont les auteurs - chercheurs ou artistes - ne cachent pas les intentions : utiliser cet instrument de domination pour le retourner à l'avantage de ceux qui ont décidé d'user de leur force critique. Ouvrage engagé, dont le style - c'est sa faiblesse - n'est pas sans rappeler parfois les belles heures d'un marxisme français de bazar, ce travail, néanmoins, interpelle. Fort bien mené sur le fond, souvent original dans la forme - la fausse interview du brigadier dérouillé sur la façon de truquer les chiffres de la délinquance - le livre ouvre un débat : comment l'implacable vérité des chiffres, sous prétexte d'embrasser le monde réel, sert à effectuer des choix en fait très politiques. Loin de nier le besoin d'un appareil statistique solide, les auteurs préconisent de ne pas le laisser aux seules mains de ceux qui dirigent.
2014-06-20 - Daniel Fortin - Les Échos
La statistique est une arme sociale. Telle est la conviction partagée par la vingtaine d’auteurs convoqués dans cet ouvrage collectif. L’origine du mot statistique (Staat, qui signifie « État » en allemand) suffit à rappeler combien les enjeux de pouvoir se tiennent tapis derrière les chiffres. Inutile d’être un économiste ou un sociologue averti pour comprendre par exemple que la façon de décompter les chômeurs, les suicides au travail ou les agressions peut être politiquement très sensible. De là l’idée de travailler à ce que les auteurs nomment un « statactivisme », soit une « variété de pratiques allant du niveau le plus farouchement individuel au plus collectif » pour s’émanciper des règles de comptage et de production des catégories statistiques « que l’autorité impose » et « pour dévoiler les mensonges qu’elle profère ». En s’appuyant sur les textes déjà classiques de Luc Boltanski, Alain Desrosière et Howard Becker qui composent la première partie de l’ouvrage, les auteurs montrent comment il est possible de « lutter avec des nombres » dans les domaines de l’art, des conditions de travail, des inégalités sociales, de la criminalité, des catégorisations sociales, du marché du travail ou encore de la comptabilité des richesses nationales. Le parti pris est donc clairement militant mais il s’appuie sur des résultats sérieux et récents acquis dans divers domaines des sciences sociales.
2014-07-01 - Clément Lefranc - Sciences Humaines
Les dirigeants utilisent les statistiques à leur manière. Ce livre, qui réunit une vingtaine d'auteurs, s'interroge sur la possibilité pour les militants, les artistes, les journalistes, les chercheurs, de poursuivre le mouvement, comme au judo, pour contre-carrer le pouvoir. Exemples à l'appui (indice des prix, délinquance, pauvreté, sans-papiers), des usages alternatifs sont possibles. Agrémenté d'actions artistiques fort intéressantes !
2014-10-01 - Silence
Statistics rule. They form the basis of authoritative arguments that serve managers of every stripe. They put the real into numbers and disguise political choices with truths enshrouded in a mathematical aura. This collective anthology brings together contributions from sociologists, journalists, artists, and union and community activists. Its position is based on judo : prolong the movement of the adversary in order to turn his strength against him and send it right back at him. It attempts to turn statistics, the instruments of power of a large number of governments, into critical weapons. Or at least, it explores the possibility. Fighting with figures is taking part in statactivism.
Isabelle Bruno is a lecturer at the université Lille-II and a researcher at the Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS).
Emmanuel Didier is a research fellow at the CNRS (associated with the Groupe de sociologie politique et morale/EHESS).
The two are the authors of Benchmarking, l’État sous pression statistique (Zones, 2013).
Julien Prévieux is an artist and the author of Lettres de non-motivation (Zones, 2007).