" On ne veut plus monter ". De mai à juillet 1917, plusieurs dizaines de milliers de soldats du front se mettent à refuser les ordres. Qui sont les mutins, les déserteurs et les insoumis ? Comment et pourquoi agissent-ils, dans quels contextes, avec quelles stratégies ? Entre obéissance complète et révolte ouverte, quelles sont les marges de manœuvre et de jeu avec l'ordre dont disposent les individus ? Quel est, enfin, le prix de l'indiscipline ?
Analyser l'émergence des mutineries, dire ce qui les a rendues pensables et possibles, saisir les formes qu'elles ont prises, c'est aussi réfléchir, en creux, à ce qu'elles rompent : l'obéissance. Car si l'événement dévoile l'ampleur possible du désordre et les potentialités de l'indiscipline, il signale dans le même mouvement la solidité de l'institution militaire et la force du conformisme. En cela, les mutineries sont exemplaires : elles permettent, par contraste, de saisir la marche ordinaire des sociétés en guerre.
À rebours d'enquêtes trop souvent cantonnées à un unique pré carré, cet ouvrage soumet 1917 et, au-delà, l'ensemble de la Grande Guerre, aux regards de diverses disciplines (histoire bien sûr, mais aussi science politique, sociologie ou psychologie) et d'autres conflits : Seconde Guerre mondiale, guerre d'Algérie, génocide des Rwandais Tutsis, conflit israélo-palestinien.
André Loez est agrégé et docteur en histoire. Il enseigne en lycée et à Sciences-Po Paris, et coanime le séminaire de recherche " L'origine de la guerre " à l'École normale supérieure de Lyon. Il a récemment publié La Grande Guerre. Carnet du centenaire (avec Nicolas Affenstadt, Albin Michel, 2013).
Nicolas Mariot est chercheur au CNRS (Curapp, Amiens), membre du comité de rédaction de la revue Genèses, sciences sociales et histoires. Il a publié en 2006 Bains de foule. Les voyages présidentiels en province, 1888-2002 (éditions Belin) et, en 2007, C'est en marchant qu'on devient président. La République et ses chefs de l'Etat, 1848-2007 (Aux Lieux d'Être).
" Si l'expression "entre obéissance et mutinerie" n'avait pas déjà été choisie par l'historien américain Leonard Smith comme titre à sa belle étude - hélas ! Non traduite en français - sur la 5° division d'infanterie française pendant la Grande Guerre, elle aurait parfaitement convenu à cet ouvrage collectif. Soucieux de dépasser les "dichotomies simplistes", les vingt-neuf contributeurs, historiens en majorité mais aussi politologues et sociologues, s'intéressent aux différentes "manières de dire non" en temps de guerre, du simple "écart" toléré aux différentes formes d'insoumission. L'ouvrage présente l'intérêt de ne pas se cantonner à 14-18, mais propose aussi des études de cas sur la période 39-45, la guerre d'Algérie, le Rwanda des années 1990 et Israël. "
LE MONDE
" Les mutineries qui ont affecté l'armée française en 1917 ont été trop souvent étudiées de façon isolée. En intégrant ces mouvements de désobéissance dans des champs beaucoup plus large, celui, thématique, de l'obéissance et de la désobéissance en milieu militaire, et celui, temporel, de l'ensemble du XX° siècle, en suscitant des comparaisons entre divers pays, A. Loez et N. Mariot proposent incontestablement une approche nouvelle et très féconde. Parmi ces vingt-sept études, une dizaine sont consacrées aux mutineries. Elles s'efforcent d'en mesurer l'importance numérique, en recherchant les causes, en examinant la mémoire dans les manuels scolaires et la littérature de fiction, remarquent à ce propos que "le mutin" s'est un peu effacé devant "le fusillé". Ce noyau d'études prend plus de sens encore lorsque il est confronté à d'autres qui portent sur l'obéissance de l'armée, les techniques qui la maintiennent en France et en Allemagne par exemple, ou traitent en parallèle d'autres formes de désobéissance. L'approche sociologique et comparative enrichit ainsi le point de vue historique. On ne peut qu'admirer la rigueur et la perspicacité des historiens, le plus souvent de la jeune génération, qui ont contribué à ce volume. "
L'HUMANITÉ
2024-12-13 - PRESSE
Remerciements
Sommaire
Introduction générale, par André Loez et Nicolas Mariot
1. L'autorité en théorie
1. Ordonner ou persuader ? Les ambiguïtés du discours militaire français à la veille de la Grande Guerre, par Julien Mary
2. " Forcer l'obéissance " : intentions, formes et enjeux d'une pratique militaire dans l'activité combattante (1914-1918), par Emmanuel Saint-Fuscien
3. L'apport de la psychologie sociale à la question de l'obéissance : les travaux de Stanley Milgram sur la soumission à l'autorité, par Sophie Richardot
II. Les épreuves de l'obéissance
L'autre Verdun : doutes et désobéissances dans la bataille, par Paul Jankowski
5. Italie 1917 : l'été de feu de la désobéissance, par Irene Guerrini et Marco Pluviano
6. Une garantie d'obéissance ? Discipline, cohésion sociale et conformisme dans la Wehrmacht durant la Seconde Guerre mondiale, par Christoph Rass et Peter M. Quadfileg
7. Grands tueurs et petits tueurs : la question de l'obéissance dans le génocide des Rwandais tutsis, par Claudine Vidal
III. Les rumeurs du désordre
8. Le rôle des permissionnaires parisiens dans la révolte de 1917 : un front contaminé par Paris ? par Emmanuelle Cronier
9. Entre fiction et réalité, la rumeur des Annamites massacrant les Parisiennes, par Jean-François Jagielski
IV. Contester dans les formes
10. Obéir, contourner, refuser : les stratégies révélées par le témoignage du combattant Henri Despeyrières, par Alexandre Lafon
11. " Il faut que vous sachiez ce qui se passe chez nous..." : 246 lettres de soldats français au Parlement en 1917, par Fabienne Bock et Thierry Bonzon
12. Quand les disponibles ne veulent pas l'être. Le " Mouvement des rappelés " pendant la Guerre d'Algérie, par François Buton
V. Les dilemmes des chefs
13. La gestion des mutineries par le Commandement militaire, par André Bach
14. L'obéissance des généraux allemands au pouvoir nazi : un " faisceau de facteurs " singulier et sa possible remise en cause, par Philippe Garraud
15. Au risque du mal. La résistance de Kurt Gerstein, par Florent Brayard
VI. Des acteurs partagés
16. Obéir pour mieux désobéir ? Les volontaires italiens dans la Première Guerre mondiale, par Stéfanie Prezioso
17. La " Sociale " sous l'uniforme : obéissance et résistance à l'obéissance dans les rangs du socialisme et du syndicalisme français,1914-1918, par Romain Ducoulombier
18. Cesser d'obéir et maintenir un ordre : les policiers parisiens en août 1944, par Christian Chevandier
19. Obéissance et désobéissance en Israël : l'objection de conscience en question, par Karine Lamarche
VII. La mesure de l'opposition
20. Éléments pour une sociologie des mutins de 1917, par André Loez
21. Déserter le front belge. La guerre et ses marges, 1914-1918, par Bruno Benvindo
22. Pour compter des mutins, faut-il soustraire des moutons ? par Nicolas Mariot
VIII. La mémoire des mutineries
23. Les mutineries dans les manuels scolaires français de l'entre-deux guerre, par Emmanuelle Pïcard
24. Une occasion manquée ? Les mutineries françaises de 1917 dans la stratégie et l'historiographie allemandes, par Markus Poehlmann
25. Être " héros si on compte six au lieu de dix ". Images de mutins dans la littérature de fiction, par Pierre Schoentjes
26. Le mutin derrière le fusillé, ou le silence durable de l'acteur, par Philippe Olivera
Liste des auteurs.