Suicides en série sur le lieu de travail, " épidémie " de troubles musculo-squelettiques, explosion des pathologies professionnelles... Une réalité trop longtemps occultée occupe désormais la scène publique française. Devant l'ampleur des " maladies du travail ", tout est secoué : entreprises, État, institutions, chercheurs et experts. Et, face aux dégâts engendrés, se multiplient dans l'urgence les fausses solutions qui risquent de virer au " despotisme compassionnel " sans rien résoudre sur le fond.
C'est à ce paradoxe intenable qu'a voulu réagir le psychologue du travail Yves Clot dans cet essai aussi vif qu'informé, nourri de longues années d'expérience sur le terrain des rapports entre santé et travail. Il instruit le dossier en rassemblant les différentes pièces du puzzle social : discours officiels, analyses de situations concrètes, controverses scientifiques, commentaires et récits. Il montre comment la négation des conflits autour de la qualité du travail au sein de l'entreprise menace le collectif et empoisonne la vie des organisations. Pour Yves Clot, le plaisir du " travail bien fait " est la meilleure prévention contre le " stress " : il n'y a pas de " bien-être " sans " bien faire ".
En se mobilisant autour d'une idée neuve du métier, avec tous les autres acteurs concernés - dirigeants d'entreprises, syndicalistes et spécialistes -, ceux qui, au travail, sont en première ligne peuvent eux-mêmes " retourner " la situation. Pour en finir, enfin, avec les " risques psychosociaux ".
" La récente vague de suicides à Renault, France Telecom ou La Poste a brutalement amené le sujet de la souffrance au travail sur le devant de la scène. Et les dirigeants d'entreprise, l'Etat et les experts se sont rapidement saisis du dossier pour proposer des solutions aussi compassionnelles qu'inadaptées. Voire dangereuses, tant elles préfigurent le retour d'un hygiénisme moral. C'est ce que dénonce ici Yves Clot, psychologue du travail reconnu. Après avoir mis en évidence les failles des discours publics sur la question, il présente plusieurs analyses de cas concrets dans des contextes aussi divers que La Poste, l'enseignement, la justice ou une biscuiterie, où se réalisent de tels "risques psychosociaux". Il met ainsi en évidence deux facteurs principaux à l'origine de ces situations: la dissolution des collectifs et l'empêchement de bien faire son travail. Et à l'encontre des solutions trop globalisantes imposées par le haut, il promeut la mise en oeuvre au sein des entreprises de discussions, sinon de conflits, autour de la qualité du travail. Un essai aussi stimulant qu'important politiquement. "
ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES
" Tandis que les " risques psychoso ciaux " envahissent notre vocabulaire, Yves Clot s'efforce, dans Le travail à coeur, de comprendre l'origine de cette brûlante actualité. Pour l'auteur, il convient d'orienter les recherches vers la négation du conflit sur la qualité du travail pour détecter les causes de ce mal si paradoxal quand on sait l'inves tissement des Français dans leur tra vail. Ce sont les conflits sur le contenu du travail ? ce qu'Yves Clot appelle la " qualité empêchée ", niés dans des organisations en transformation rapide, qui génèrent de la souffrance chez les salariés. S'appuyant sur de nombreux exemples issus d'études réalisées dans l'industrie ou les ser vices, notamment publics (La Poste...), Yves Clot se fait l'avocat de la réintroduction du débat, au sein même du collectif de travail, sur la qualité de la production, car les normes officielles en la matière peu vent porter préjudice aux opérateurs comme au chiffre d'affaires. Yves Clot renvoie dos-à-dos la tentation d'un traitement " hygiéniste " des risques psychosociaux, dont l'Etat, selon lui, se satisferait, aussi bien qu'une approche centrée à l'excès sur le tra vailleur " victime ". "
ÉTUDES
" Intitulé le Travail à cœur, le dernier essai d'Yves Clot est porté par l'urgence de l'action pour changer le travail. Il interpelle le militant syndical sur son engagement à pousser l'exigence de la transformation des situations de travail par la connaissance ?et la reconnaissance du travail réel. C'est un livre salutaire qui alimente la nécessaire controverse ?entre chercheurs et syndicalistes. [...] Cet ouvrage conforte le concept de développement humain durable adopté lors du dernier congrès confédéral de la CGT et confirme la nécessité de conquérir une Sécurité sociale professionnelle, couplée à une Sécurité sociale santé. Il entre en résonance avec notre contestation farouche de l'oligarchie financière ?et médiatique, qui noie le monde dans les eaux glacées du calcul égoïste et du court terme. "
L'HUMANITÉ
2024-10-04 - PRESSE
Introduction
1. Un paradoxe français
Un conflit inhérent à la relation salariale
Le conformisme de la Commission sur la souffrance au travail
Des mesures ministérielles précipitées
Syndicalisme, stress et travail
2. La qualité empêchée
LU : la saveur du travail " bien fait "
La Poste : être ou ne pas être à la place du client
France Télécom : un désarroi déjà ancien
Enseigner : contre vents et marées
Le " plaider coupable " : la justice en rébus
3. Le collectif en miettes
Hôpitaux : les coûts de l'obsession budgétaire
SNCF : des trains d'enfer
Deux bureaux de poste à la recherche du diapason
4. Au-delà des risques, les ressources de l'activité
Risques psychosociaux : un consensus social ?
" Troubles de l'adaptation " des organisations
Mesurer les risques ?
5. La tentation hygiéniste
De " bonnes pratiques " pour se protéger du réel ?
L'entreprise compassionnelle
Au-delà de l'hygiénisme
6. Le travail aux soins de ceux qui le font
Le discours politique de la souffrance
Clinique du travail : ouvrir la discussion
Pouvoir d'agir et santé
Le travail " bien fait " à l'épreuve du collectif
Redécouvrir le métier
Conclusion