Que resterait-il de l'actualité s'il n'y avait plus de victimes ? Il suffit de jeter un coup d'œil à la télévision pour s'en rendre compte : du journal télévisé aux émissions de divertissement, la souffrance fascine et occupe le devant de la scène. Pourtant, on aurait tort de réduire cette omniprésence à une simple mode médiatique. Car c'est le signe d'une évolution profonde de nos sociétés démocratiques : autrefois, les victimes avaient honte de leur condition, aujourd'hui la reconnaissance de ce statut est devenue un enjeu, donnant naissance à une nouvelle catégorie sociale. Autour des victimes, un consensus compassionnel s'est mis en place, par lequel les médias, les politiques, les ONG et certains intellectuels apportent à une opinion publique consentante son lot quotidien de souffrances. C'est cette alliance objective qui façonne notre " société des victimes ". Pourquoi un monde qui n'a jamais semblé aussi inégalitaire, individualiste et cruel se soucie-t-il autant des victimes ? C'est ce paradoxe que propose d'explorer cet ouvrage incisif. Au sein du consensus compassionnel, la charité aspire à remplacer la solidarité, l'exception se substitue à la règle, l'émotion prend le pas sur la raison et l'instrumentalisation de la souffrance se traduit de multiples manières : des enjeux politiques biaisés et pervertis, une justice kidnappée par la victime, une rivalité mimétique incessante entre les communautés... La cause de la victime en est venue à servir l'injustice. Et le victimisme menace désormais l'humanisme.
Guillaume Erner enseigne la sociologie. Il est l'auteur de Victime de la mode ? Comment on crée, pourquoi on la suit (2004. La Découverte/Poche 2006) et de Expliquer l'antisémitisme (PUF, 2005)
" Du 11 septembre au tsunami, en passant par les sans-abris, jamais le monde ne se sera autant soucié des victimes...Un apitoiement qui, pour le sociologue Guillaume Erner, parasite l'action politique et nous empêche de réfléchir. "
ELLE
" Guillaume Erner propose une lecture de cette invasion de la notion de "victimes", de la naissance, et du rôle de la "victimologie", assez raide et éclairante, qui étudie aussi bien la société du spectacle de la victime que le "consensus compassionnel", du triomphe du fais divers lacrymogène à l'apparition de l'intellectuel compassionnel (André Glucksmann' entre autres), du kouchnérisme à la revendication du "coeur" par les ^politiques..."
L'HUMANITÉ
" Les victimes sont devenues le prisme à travers lequel le monde se regarde. Il regarde sans comprendre, se nourrit tout ébérlué des horreurs qu'il enfante. La télévision, les journaux relaient la marche du monde par le biais des victimes. "Je veux du vécu, coco, du récit individuel ! ", tel est dézsormais, semble -t-il la profession de foi journalistique, mais aussi celle des intellectuels médiatiques. Erner, sociologue, analyse et décrit cette nouvelle société des victimes. "
PAGE
" Un livre comme une hache pour fendre la langue de bois et fendre la glace de nos désepérances en la res publica. "
LES AFFICHES
" Comment devenir une star ? en gravissant l'Everest ? En posant nu ? Faux. Aujourd'hui, il suffit d'exhiber sa souffrance, d'être une victime. "
LE NOUVEL OBSERVATEUR
" D'une intelligence redoutable, cet essai nous éclaire sur les fonctionnements parfois pathologiques de notre société. Il nous permet de prendre une saine distance par rapport aux événements de notre vie, sur les plans collectif et privé . Salutaire. "
PSYCHOLOGIES
" Pourquoi un monde qui n'a jamais semblé aussi inégalitaire, individualiste et cruel se soucie t-il autant des victimes ? C'est ce paradoxe que propose d'explorer cet ouvrage incisif. "
LIEN SOCIAL
" Leurs essais (dont celui de Guillaume Erner) ont les qualités et les défauts du genre: pour alerter, ils forcent le trait, au risque de réduire la complexité de nos sociétés. "
LE MONDE DIPLOMATIQUE
" Clair et incisif est le livre de G. Erner, les exemples s'y additionnent pour composer une démonstration saisissante. "
LE QUOTIDIEN DU MEDECIN
" L'un des princes des sciences sociales, Max Weber, avait expliqué dans une conférence adressé à ses étudiants que la connaissance est nécessairement inhibée par la compassion et que les bons sentiments font la mauvaise sociologie. Bien souvent, ils font aussi la mauvaise politique. Dans un style alerte, Guillaume Erner nous rappelle l'importance cruciale de cette idée simple pour les sciences sociales, pour la réflexion sur les médias et sur l'action politique, et finalement pour l'approfondissement de la démocratie. "
COMMENTAIRE
" Au coeur d'une société de plus en plus individualiste et inégalitaire, la place faite aux victimes est de plus en plus importante. Omniprésentes dans les médias, les émissions télévisées leur donnent abondamment une parole. La télévision "façonne la conception commune des souffrances psychiques". Est-ce un progrés quand la compassion se substitue à la justice et la charité à la solidarité ? "
LE MONDE DE L'EDUCATION
2024-10-11 - PRESSE
Introduction
I. La révolution des victimes
Victimes : une nouvelle catégorie sociale
Naissance de la victimologie
Refus de la souffrance et sensibilité démocratique
Tous victimes, même les bêtes
La sacralisation par la souffrance
La victime apocryphe
La naissance de la victime privée
Mai 68 : le printemps des victimes
L'agonie du tiers-mondisme
Le Biafra et la naissance de l'humanitaire moderne
Le génocide et le retour du refoulé
Concurrence des victimes et psychologisation
La lutte pour la reconnaissance des victimes
Lutte collective et construction individuelle
Les souffrances psychiques, extension du domaine de la victime
Dignité de l'homme et interdiction du bizutage
L'épidémie de harcèlement moral
Toutes victimes ?
Banalité du mal ou banalisation de la souffrance ?
La société du spectacle de la victime
La télévision de l'intime, règne de la victime
Un temps de cerveau très disponible pour les victimes
Les mécanismes de l'indifférence médiatique
L'effet CNN
La télévision du malheur
II. Le consensus compassionnel
Le triomphe du fait divers compassionnel
La diffusion du fait divers
Le fait divers comme horizon
Informations dramatiques et dramatisation de l'information
La victime représentative d'elle-même
Cruelle compassion : la pitié agressive
La pédophilie ou l'absolu du fait divers compassionnel Pitié agressive et lynchage compassionnel
Naissance de l'intellectuel compassionnel
L'intellectuel : un métier au service de la victime
Les nouveaux philosophes et la fabrique de l'intellectuel compassionnel
Une pensée binaire, en faveur d'un État minimal
Pierre Bourdieu, dominé par la compassion
Misère du monde ou sociologie de la compassion
Les ONG à l'assaut de la victime
Genèse du kouchnérisme
La bonté, gage de confiance
Le business de la compassion
Le poids des maux, le choc de la communication
Hiérarchiser les souffrances, au risque de l'injustice
Impératif moral ou dilemme moral
Politique de la compassion
La compassion comme martingale politique
Disparition de Lady Di et épiphanie compassionnelle
Duels compassionnels à la tête des États-Unis
Jacques Chirac : une présidence compassionnelle
Pourquoi tant de compassion ?
III. Les victimes contre la société
Les victimes entre terreur et pitié
Terroriser avec le terrorisme
Revaloriser la terreur
Nouveau catastrophisme et vieux évangiles
Passion pour la victime et adieu à la raison
Et si la compassion était mauvaise en soi ?
Le victimisme n'est pas un humanisme
La charité contre la solidarité
L'ambivalence envers les victimes
Les victimes contre la justice
Le " victimisme " ou la victoire des victimes contre la société
Entre la société et la victime, il faut choisir
Conclusion
Suggestions bibliographiques.