La cause semble entendue : le krach financier d'octobre 2008 incombe aux crédits hypothécaires du marché immobilier américain, les fameux subprimes. En réalité, comme l'expliquent dans ce livre lumineux deux éminents spécialistes de la finance internationale, les racines du mal sont beaucoup plus profondes.
Mus par une sorte d'ivresse technique et une avidité pécuniaire démesurée, les professionnels des marchés ont fait de la " finance pour la finance ", comme on fait de l'" art pour l'art ". Encouragés par les économistes théoriciens de la finance, dont plusieurs prix Nobel, ils ont succombé à un véritable péché d'arrogance. En apportant leur caution scientifique aussi bien au travail des " quants " (les experts des modèles mathématiques d'ingénierie financière) qu'à celui des équipes de gestion des risques, les théoriciens ont conforté les praticiens dans le fantasme d'avoir dompté tous les risques. Or, comme le montrent les auteurs, contrairement à ses prétentions, la théorie financière est bien loin d'offrir cette garantie.
Errements des marchés, perversion du " génome théorique " de la finance et carences de la régulation ont produit une véritable dislocation du système financier. Seule une refonte profonde de celui-ci peut le guérir. Elle risque fort de se révéler longue et douloureuse pour l'" économie réelle " et ses agents, salariés et entrepreneurs.
Henri Bourguinat, professeur émérite de sciences économiques à l'université Montesquieu-Bordeaux 4, est l'auteur de nombreux ouvrages, dont, chez Dalloz, Les Intégrismes économiques. Essai sur la nouvelle donne planétaire (2006) et Finance internationale (en coll. avec J. Teïletche et M. Dupuy, 2007).
Éric Briys, professeur associé au CEREGMIA de l'université des Antilles et de la Guyane, a été professeur de finance à HEC pendant dix ans. Cofondateur de www.cyberlibris.com, il a aussi une longue expérience des salles des marchés. Il est l'auteur de plusieurs livres, dont, avec François de Varenne, La Mondialisation financière. Enfer ou paradis ? (Economica, 1999) et The Fisherman and the Rhinoceros. How International Finance Changes Daily Life (John Wiley & Sons, 2000).
" Il ne fait pas bon être un financier aujourd'hui. Opinion publique, classe politique et experts en tout genre jettent désormais un regard sévère sur une industrie financière au bord de l'implosion, coupable d'avoir contaminé le monde de produits "toxiques" et plongé dans les économies de l'abîme. La déjà très abondante littérature sur le sujet est à cet égard sans appel: la dimension catastrophique prise par la crise financière s'explique avant tout par l'innovation financière, dont le principal moteur est à rechercher dans la cupidité des financiers, persuadés d'avoir trouvé la martingale qui transforme les équations mathématiques en or. Le livre d'Henri Bourguinat et d'Eric Briys ne déroge ni à ce constat sévère ni à l'indignation générale. Il se distingue cependant par son analyse méthodique, rationnelle, scientifique, des errements de la finance. Ce ton, parfois très académique, permet une lecture dépassionnée, et finalement clarifiée, du fil des évènements et de leurs causes profondes. Une qualité qui tient sans aucun doute à la personnalité même des auteurs. "
LA TRIBUNE
" Tous ceux - en particulier les professionnels des marchés - qui se sont laissé surprendre par le krach financier aiment à répéter, pour se dédouaner, que "personne ne l'avait prévu". Ils se trompent: quelques économistes - dont Henri Bourguinat, qui cosigne ce livre - avaient souligné depuis longtemps l'instabilité et l'opacité du système et montré, à contre-courant de la théorie dominante, que la dissémination des risques aggravait les menaces au lieu de les réduire. Les auteurs repèrent ainsi, dans le "génome de la finance", quatre perturbations dont la combinaison s'est révélée fatale: l'absence de traçabilité des créances, liée à leur titrisation et à l'allongement des chaînes de transaction; la "tendance dissociative" (le risque est séparé de la créance et devient lui-même une valeur négociable sous la forme de dérivés de crédit); l'aléa moral (l'ingénierie financière engendre l'illusion que "tous les risques sont assurables"); et enfin le dopage de la performance, grâce à l'effet de levier obtenu par un recours intensif à l'endettement. "
LES ÉCHOS
" Imaginons un homme atteint du diabète, qui raffole par-dessus tout des sucreries. Imaginons qu'on lui prescrive une pilule lui permettant de disperser les sucres dans le sang. "Super !", pense-t-il. Mais voilà, ce médicament a des effets secondaires sur les reins, alors on lui administre une autre molécule pour les protéger. Mais celle-ci abîme les yeux. Allons-y donc pour une autre pilule qui préserve la cornée, mais attaque les dents, etc. À la fin, l'homme s'est empiffré de sucres avec un sentiment d'impunité, et a non seulement succombé à son diabète, mais s'est méthodiquement démoli tout l'organisme. Voici, brossé à grands traits, le fonctionnement du système financier mondial depuis une vingtaine d'années et qui a conduit - dans le désordre - à la crise des subprimes, au scandale Eron, à l'affaire Kerviel, aux stock-options démentielles... Une machine folle, euphotique, absolument convaincue de son infaillibilité et qui est allée s'emplafonner dans le mur des réalités. Cette mécanique est décrite avec une redoutable précision dans L'Arrogance de la finance, manuel de survie intellectuelle écrit par deux professeurs d'économie qui ont cet immense - et inutile - mérite d'avoir tiré le signal d'alarme avant que ce ne soit à la mode. "
TERRA ECONOMICA
" Dans cet ouvrage, deux spécialistes émérites de la finance poursuivent en réalité un seul but: "En finir avec l'arrogance de la finance". Les deux auteurs mettent en évidence la démesure prise par l'avidité des professionnels des marchés et la toute puissance que leur procure l'ingénierie financière. Pris par une sorte d'ivresse technique, jonglant avec les milliards, ils ont fini par faire "de la finance pour la finance", comme on fait "de l'art pour l'art". Les deux auteurs dénoncent l'arrogance de ces praticiens, un péché encouragé par des théoriciens de l'économie, dont quelques prix Nobel, qui les ont confrontés et cautionnés dans leur certitude d'avoir identifié tous les risques de la haute finance et de les avoir écartés. La crise de 2008 a montré que ce n'était en réalité que fantasme. Les théories financières ne prétendent pas être une assurance contre les perversions du système et ses carences, en particulier le manque de régulation. Pour les auteurs il faut repenser profondément le système financier pour le guérir. "
SYNDICALISME HEBDO
" Un énième livre sur la crise financière ? Non. L'intérêt du point de vue, ici, est de mettre l'accent, de façon particulièrement éclairante, sur les fondements d'une faillite qui, pour les auteurs, est d'abord intellectuelle. Passons vite sur les solutions proposées en conclusion: "discipliner la financiarisation", ériger des "garde-fous" pour brider les appétits frénétiques des acteurs de la finance... Elles feront consensus. "
LE MONDE ÉCONOMIE
" Chaque CDD obligation appuyée sur des prêts hypothécaires dépend de 50 types de crédit différents. Pour savoir exactement de quoi il retourne, il faut lire 50 brochures de 300 pages chacune. "Soit 15 000 pages", s'insurge la milliardaire américain Warren Buffett. Bref, c'est une des clés de la déroute actuelle. L'autre est l'arrogance des théoriciens de la finance qui imaginaient pouvoir dompter le risque sans même se poser la question essentielle: la rentabilité sans risque existe-t-elle vraiment ? Et ont mitonné des théories d'autant plus absurdes que l'investisseur fictif, qui symbolise l'équilibre du marché n'existe pas. "L'essentiel de la consommation agrégée qui intervient dans ce type de calcul est en effet due à des individus qui ne possèdent pas d'actions", commente cet essai décapant qui invite à retrouver une certaine "humilité technique" et à se souvenir que production, commerce et finance doivent toujours "aller de pair". "
TRENDS-TENDANCES
" L'originalité du livre d'Henri Bourguinat et d'Eric Briys, qui associent les compétences de l'universitaire et du praticien, est de ne pas s'en tenir aux explications de nature psychologique. La rapacité des financiers et des investisseurs qui auraient monté des produits ultrasophistiqués dont ils n'auraient pas maîtrisé la portée ? Sans doute. Mais quels étaient leurs fondements, leurs justifications théoriques ? Le livre nous invite à une plongée dans les innovations financières, mises au point par des chercheurs principalement américains et appliquées par le monde bancaire. "
LE FIGARO ÉCONOMIE
" L'arrogance de la finance, qu'il (Henri Bourguinat) vient d'écrire à quatre mains avec Éric Briys, professeur de finance et ancien cadre supérieur de banque, n'est pas seulement un récit des diverses phases d'une crise à l'issue encore incertaine. Dans ce livre, les deux hommes s'interrogent sur les causes profondes de ces événements. À leurs yeux, la moindre d'entre elles n'est pas le développement d'une théorie financière, qui prétendait guider les praticiens des salles de marché et l'ensemble du monde bancaire vers une gestion optimale du risque et du rendement. La "finance académique", dépeinte dans cet ouvrage et récompensée par plusieurs prix Nobel, reposait sur des modèles mathématiques sophistiqués, ce qui explique qu'une bonne partie des diplômés des grandes écoles françaises et des universités américaines les plus prestigieuses aient été aspirés ces dernières années vers le monde de la banque de financement et d'investissement, où les bonus étaient gras. "
SUD OUEST DIMANCHE
" Cet ouvrage retrace dans un style à la fois nuancé, rigoureux et dépassionné, les dérives du processus d'innovation financière qui ont conduit à la crise actuelle. Il met en lumière les causes profondes du dévoiement des modèles mathématiques de la finance moderne et révèle la fragilité de leurs fondements, qui tient notamment à la nature artificielle des hypothèses de la "normalité" formulées par leurs concepteurs. Il dévoile "les petits et les grands arrangements", pris par ces derniers afin de mieux servir les intérêts des investisseurs et des opérateurs des marchés. Il invite à clarifier et à refonder certaines notions applicables aux instruments financiers, tels les indicateurs browniens de mesure du risque, les coefficients d'actualisation, les coûts de transaction... Les auteurs, enseignants-chercheurs reconnus, ont acquis une longue expérience des salles de marché. Ils montrent de manière convaincante, au-delà de la critique de certains modèles, les dangers insoupçonnés d'une approche uniquement positive et donc, insuffisamment constructiviste, de la réalité économique d'aujourd'hui. "
ÉCHANGES
" Dans L'Arrogance de la finance, le professeur d'économie Henri Bourguinat et l'ancien banquier de Lehman Brothers Eric Briys distribuent allègrement les coups. Des frappes chirurgicales, plutôt: ils démontent avec une minutie d'initiés - et de repentis - tout le mécanisme des subprimes, des hors-bilan et des portefeuilles prétendument efficients. Ces deux auteurs concluent que l'on a assisté à l'une des plus grandes supercheries intellectuelles du siècle, qui consistait à faire croire à la disparition du risque en le transférant à d'autres. Deux catégories se dessinent. Les imposteurs, assez intelligents pour connaître les limites de leur modèle théorique, et les dupés, aveuglés par l'argent facile. Un livre formidable pour découvrir les entrailles de la bête financière. "
L'EXPANSION
2024-12-13 - PRESSE
Introduction. La finance et la grande crise de 2007-2008
Résilience et services rendus des innovations financières
Les dérapages de la " part maudite de l'argent "
Péchés d'orgueil
Une théorie qui vit au-dessus de ses moyens
1. Le génome de la finance en crise
Avertissements avec frais
La preuve par le subprime
Le modèle " initier et transmettre "
Engouement et restrictions : la dérive des " produits dérivés "
De 2007 à 2008 : la contamination de la première phase
Après la quasi-faillite de Bear Stearns en mars 2008 : la rechute
Les effets dévastateurs du péché d'orgueil des professionnels de la finance
Le génome de la finance
Les OGM et les grains du risque
Une crise financière " globale " : une première
2. Feu la liquidité
Surliquidité et assèchement
Les ricochets de l'illiquidité
Les hedge funds : responsables mais pas coupables ?
L'activisme des banques centrales
Première tentative de sortie de crise à l'anglaise
L'objectif général de rétrécissement du spread
Vers une nouvelle philosophie de la politique monétaire ?
3. Les deux piliers de la valeur
Le nécessaire inventaire critique de la théorie financière
Le mariage de l'entrepreneur et du financier, pour le meilleur et pour le pire
La délicate question de l'espérance de gain de l'investisseur
Actualisation du risque et espérance mathématique
La gourmandise des investisseurs n'est peut-être pas un si vilain défaut
Gourmandise rime avec chemise (car, en Bourse, on peut la perdre)
La rationalité de l'homo œconomicus
La finance modeste
4. Petits et grands arrangements de la finance académique
La finance ambitieuse
La théorie des marchés efficients
Comment ne pas casser tous ses œufs en même temps : la prescription du bon docteur Markowitz
Mais que vaut un œuf, docteur Markowitz ?
Prime de risque et valorisation des actifs
Connaître le prix du risque
La victoire à la Pyrrhus de la théorie
L'impasse phénoménale du modèle de la finance élaboré par les prix Nobel
Investissement et consommation : l'œuf de Colomb de Mark Rubinstein
Les errements de la théorie financière
Saving consumption !
La chasse aux faux problèmes des théoriciens de la finance
5. La roublardise de la théorie
Quand roublardise rime avec gourmandise : l'invention de l'" espérance neutre au risque "
La " magie " des probabilités martingales : y a-t-il vraiment un lapin dans le chapeau ?
Les chefs étoilés de la nouvelle cuisine financière : Black, Scholes et Merton
Comment cuisiner (sans risque ?) une option d'achat d'actions
Les " quants " et le mistigri du risque financier : quand le cuisinier se fait chirurgien
La fuite en avant des banques dans les " dérivés de crédit "
L'effet " cygne noir ", ou l'échec programmé de la recette des options
Les fausses garanties de la fameuse " valeur à risque "
Les cuisines de la finance : fast food et ketchup...
Les investisseurs du monde réel et ceux des modèles : schizophrénie, quand tu nous tiens
Du connu connu à l'inconnu inconnu : une vaste escroquerie intellectuelle
6. Une régulation contingente
Reréglemention ou simples amodiations : deux voix opposées de sortie de crise
Juguler l'irrédentisme de la finance ?
La reprise en mains des mouvements de capitaux
La sanction du marché comme menace crédible ?
Le principe d'équité financière et l'aléa moral
Le bonus sans le malus
Le jeu du " qui perd gagne " des rémunérations
Les aménagements praticables
Une titrisation à décanter
La réintégration du hors bilan et la révisiondes accords de Bâle II
La réforme des agences de notation
Le glissement vers le risque de système
Le plan Paulson et ses zones d'ombre
Le quitte ou double du dispositif anti-krach de sauvetage des banques
Conclusion. En finir avec l'arrogance de la finance
La prise de conscience des errements
Discipliner la financiarisation
La menace d'une nouvelle " stagflation " ?
Édifier de vrais garde-fous pour brider l'avidité dévorante des acteurs de la finance
Glossaire.