La pensée anti-68
Essai sur les origines d'une restauration intellectuelle

Serge Audier

La haine de Mai 68 est devenue un thème à la mode. Le slogan de Nicolas Sarkozy, lors de la campagne présidentielle de 2007, sur l'indispensable liquidation du legs de 68, ne doit donc pas être réduit à un propos de campagne. Il s'appuie en réalité sur un travail idéologique qui a commencé dès les lendemains des événements et qui s'est poursuivi de commémoration en commémoration, jusqu'à devenir une vulgate à la fin des années 1990.
Faut-il voir, dans cette fièvre anti-68, une simple " rhétorique réactionnaire " ? Quelles en sont les origines ? Quarante après, Mai 68 méritait-il de tels réquisitoires ?
Pour répondre à ces questions, ce livre reconstitue la généalogie intellectuelle de ce discours. L'auteur montre ainsi comment Mai 68 n'a cessé d'être attaqué depuis des bords politiques opposés, de la droite extrême à la gauche communiste. Il souligne aussi que ce long procès s'est accompagné de profondes mutations dans le monde intellectuel, marqué par une contre-offensive libérale et conservatrice, une réaffirmation de " l'humanisme " et un retour au mythe républicain. Il montre enfin que cette entreprise de liquidation, justifiant un retour à des positions conservatrices, s'est accomplie à partir d'interprétations erronées de Mai 68.
La Pensée anti-68 offre ainsi, pour la première fois, une discussion d'ensemble de tout un pan de la pensée française qui a voulu tourner la page des " maîtres à penser " des années 1960.


Version papier : 13.90 €
Version numérique : 12.99 €
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Détails techniques
Collection : La Découverte Poche / Essais n°311
Parution : 05/11/2009
ISBN : 9782707158734
Nb de pages : 434
Dimensions : 12.5 * 19.0 cm
ISBN numérique : 9782348061370

Serge Audier

Serge Audier

Serge Audier, ancien élève de l'ENS-Ulm, agrégé et docteur en philosophie, est maître de conférences à l'université Paris-Sorbonne. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels La Pensée anti-68 (La Découverte, 2008) et La société écologique et ses ennemis (La Découverte, 2017) qui a obtenu en 2018 le prix de la Fondation pour l'écologie politique.

Extraits presse

" On pouvait craindre que les livres publiés à l'occasion du quarantième anniversaire de mai 1968 ne fassent que ressasser l'interminable querelle sur le sens de cet événement. Celui du philosophe Serge Audier ne court pas ce risque. Ne s'occupant, en effet, que de ce qui s'est passé après 1968, il cherche à comprendre comment a pu devenir dominante une pensée anti-68. Que Nicolas Sarkozy ait pu affirmer, sans susciter beaucoup d'émoi, que "l'héritage de Mai 68 doit être liquidé une bonne fois pour toutes" n'est compréhensible que dans la mesure où il ne faisait que refléter une opinion largement répandue. Le propos de Serge Audier est de restituer la façon dont cette tendance au rejet de 1968 s'est construite au fil des quarante dernières années. Cela l'amène à procéder à un survol de la vie intellectuelle française qui rend ce livre passionnant. "
LES ÉCHOS

" De tous les livres qui paraissent sur Mai 68, celui de Serge Audier retient en effet l'attention. Son ouvrage vaut moins pour la thèse qu'il avance - la liquidation de l'héritage de Mai 68, voire la haine qu'il inspire aujourd'hui - que l'analyse en détail de toutes les sources intellectuelles de l'époque. Voilà quelqu'un qui a pris le temps de lire, de se documenter en profondeur, de saisir des cohérences, de remonter des raisonnements. Les résultats sont assez spectaculaires. "
LA CROIX

" Voici sans doute l'une des pierres les plus solides apportées à l'historiographie de Mai 1968. En explorant sur un mode critique mais sans céder à la caricature, les divers discours de rejet intellectuel que 68 n'a cessé de susciter depuis quatre décennies, le philosophe et historien Serge Audier éclaire les origines d'une vulgate, obsédée par la liquidation d'un héritage qu'elle déforme à plaisir pour lui prêter les traits les plus funestes. Cette somme d'érudition et d'analyse de textes par ce spécialiste d'Aron,de Tocqueville et de Machiavel, montre comment la transformation de mai est révélatrice du tournant conservateur qu'aurait opéré par une partie de l'intelligentsia sous divers masque: prétendue redécouverte du libéralisme au début des années 1980 (François Furet, Marcel Gauchet, Pierre-André Taguieff), de la République et de la nation (Blandine Kriegel, Régis Debray) ou encore de l'humanisme (Luc Ferry et Alain Renaut). Si la thèse n'est pas nouvelle, elle reçoit ici son épine dorsale la mieux argumentée. "
LE MONDE

" "Tourner la page de mai 1968". L'expression fait florès depuis le fameux discours de Nicolas Sarkozy du 29 avril 2007 à Bercy. Rien de nouveau sous le soleil pourtant, si l'on en croit cette impressionnante étude du philosophe Serge Audier. La pensée anti-68 remet en perspective l'ensemble des élaborations théoriques qui se sont succédé depuis quarante ans, pour servir une entreprise de liquidation intellectuelle, pas forcement pensée comme telle, mais redoutablement efficace. De l'ultra-droite catholique aux sévères admonestations communistes, en passant par les radicaux-conservateurs anglo-saxons ou italiens, les "néo-aroniens" pas toujours aussi subtils que leur mentor, les philosophes libéraux autoproclamés "tocquevilliens" ou les républicains ombrageux: il y en a pour tous les goûts ! "
TÉMOIGNAGE CHRÉTIEN

" La pensée anti 68, sous-titré essai sur les origines d'une restauration intellectuelle, part du constat que "la haine de mai 68 est devenue un thème à la mode". La fameuse phrase du candidat Sarkozy, lors de la campagne pour l'élection présidentielle, sur la necessité de "liquider" l'héritage de mai, constituant en quelque sorte le point d'orgue de cette tendance lourde. Une inclinaison que le philosophe et universitaire Serge Audier décrypte dans cet ouvrage tout juste paru aux éditions La Découverte. Un ouvrage qui ambitionne également de "modifier le regard sur la pensée française depuis la fin des années 1970: souvent lue sous le prisme de la critique du communisme, il se pourrait que sa compréhension gagne en intelligibilité à la lumière de la réaction à mai 68. "
MIDI LIBRE

" S'il est un essai à lire sur Mai 68, c'est bien celui du philosophe Serge Audier, qui a choisi de faire la généalogie et l'analyse de ce qu'il qualifie de "pensée anti-68". Comme l'auteur le souligne lui-même, "la thèse de ce livre est que la réaction à 68 a structuré durablement les débats intellectuels et politiques en France depuis 40 ans. en particulier, on ne peut comprendre la façon dont s'est effectué, à la fin des années 1970, le retour à l'idéologie libérale, puis la renaissance d'un discours qui se voulait "républicain", si l'on ne prend pas en compte la relation et la réaction au legs de Mai 68". Des divers assauts de la droite traditionaliste, des libéraux aux néoconservateurs, en passant par l'ultragauche et ses réquisitoires contre les "traîtres soixante-huitards" ou encore la méfiance "anti-gauchiste" du Parti communiste, Serge Audier décrypte la vie intellectuelle française depuis quarante ans à travers le prisme du contre-choc de 68. Le philosophe démontre comment cet interminable procès, souvent contradictoire, a accompagné de profondes évolutions dans le monde des idées, marqué par une contre-offensive idéologique conservatrice. Même si l'on peut discuter certaines de ses analyses, notamment sur la "renaissance de l'humanisme", cet ouvrage, très bien documenté, incitant à relire des textes fondamentaux, est un incontournable pour qui veut saisir les enjeux de cette commémoration. "
HUMANITÉ DIMANCHE

" Même si cet ouvrage n'aborde que très peu les aspects purement scolaires de mai 1968, nous le signalons quand même à nos lecteurs, car dans la masse des productions liées au quarantième anniversaire des "événements", il se distingue par la qualité de sa démarche, la solidité de sa documentation et par tout ce qu'il apporte en compréhension à la fois de mai 1968 et des nombreuses lectures qui ont été faites. [...] Un livre important, d'accès aisé, où on trouvera aussi la parenté entre le pourfendeur de "l'école des crétins" et un certain penseur d'extrême-droite des années 60 (Monnerot), une analyse minutieuse des thèses de Finkielkraut, Marcel Gauchet ou Luc Ferry, on en saura plus également sur le rôle joué par Bourdieu, Derrida ou Foucault. Bref, un grand plaisir intellectuel à lire cet ouvrage nuancé et rigoureux qui n'aura hélas pas le succès de gondole de tant de livres bâclés et de circonstance. "
LES CAHIERS PÉDAGOGIQUES

" Mai 68 avait sa légende dorée, ses théoriciens enthousiastes (Castoriadis, Deleuze, Foucault, Lefort, Touraine, Morin, Gorz...). L'événement a désormais sa légende noire et tout l'intérêt de ce livre, une énorme somme de travail, est d'en faire la généalogie, celle des pensées hostiles à 68. [...] Ce livre deviendra certainement une contribution majeure dans l'élaboration de de l'épaisseur historiographique de Mai 68. "
VIENT DE PARAÎTRE

" L'ouvrage de S. Audier est, comme toujours, remarquablement documenté. Si ses analyses souffrent, ici et là, de quelques raccourcis polémiques, son livre a le mérite de rappeler qu'un événement historique, fût-il aussi singulier et mémorable que Mai 68, appartient autant à un pays qu'à un temps et qu'il a pour acteurs des individus et non des idées. "
REVUE PHILOSOPHIQUE

" Nicolas Sarkozy voulait "liquider" mai 1968. Ce thème à la mode n'est pas qu'un propos de campagne. Il s'appuie sur un travail idéologique qui a commencé au lendemain de ces événements, traversant tous les courants de pensée, de l'ultragauche à la droite libérale. Publié en 2008, le livre est réédité en poche avec une postface inédite. "
OUEST FRANCE

2024-03-29 - PRESSE

 

Table des matières

Introduction
Une tentation internationale ?
La pensée politique française face au legs de 68
I. Anatomie et généalogie du discours anti-68
1. L'offensive anti-68 à droite
Le trentenaire de 68 vu par la droite traditionaliste et l'ultradroite
Le nouvel assaut de la droite traditionaliste et nationale
De la droite libérale aux néo-conservateurs
La rhétorique conservatrice du pessimisme culturel
2. Ultragauche, populisme et souverainisme
La gauche de la gauche contre " les traitres " soixante-huitards
Le procès des soixante-huitards, adversaires du " peuple "
Mai 1968 et le procès de la modernité
La croisade anti-68 comme symptôme
3. Raymond Aron, père du discours anti-68 ?
Le mai 1968 d'Aron : une légende " réactionnaire " ?
Aron, critique des pathologies gaullistes
Le moment 68 dans l'histoire des démocraties
Le laboratoire de l'"aronisme " et de Contrepoint
Monnerot, précurseur à droite ?
De Monnerot au Club de l'Horloge
4. Liquidations communistes
Le réquisitoire antigauchiste de G. Marchais et J. Duclos
Cohn-Bendit corrigé par Lénine : la critique de M. Verret et la réponse de L. Althusser
5. Mai 1968 ou l'américanisation de la France ?
Mai 1968 : une révolution américaine
Mai 1968 à la lumière du Manifeste du parti communiste
L' Amérique imaginaire de Debray
II. La contre-offensive libérale
6. La liquidation libérale-libertaire
Le libéralisme avait-il vraiment disparu en France ?
Socialisme libéral et socialisme libertaire en 1968
Quand 68 sert à célébrer l'individualisme libéral
Da la critique de la société de consommation à son apologie
Le retour de l'individualisme libéral-libertaire
7. Un " libéralisme " néo-conservateur ?
Un libéralisme à l'ombre de Schmitt
La pénétration du discours néo-conservateur américain
Un néo-conservatisme catholique-libéral
Liquider le libéralisme de gauche
8. Tocqueville contre Mai 68 ?
La fausse " découverte " de Tocqueville
Un Tocqueville à la sauce néo-conservatrice
Douceur et médiocrité démocratique
Une critique tocquevillienne de mai 1968
III. L'introuvable " pensée 68 "
9. La " pensée 68 " en procès
Qu'est-ce que la pensée des " sixties " ?
Une définition très sélective de la " pensée 68 "
Le choix discutable du prisme antihumaniste
Antihumanisme et individualisme : quel rapport ?
De La pensée 68 à La Défaite de la pensée
Le pamphlet antiécologiste : Confusions et ambiguïtés
L'introuvable " pensée 68 "
10. Renaissance de l'humanisme ?
Quand Bourdieu rejoint Furet
Castoriodadis, Lévinas, Aron, etc. : la critique précoce de l'antihumanisme
Les cercles chrétiens contre l'antihumanisme
La nouvelle offensive contre l'antihumanisme
11. Foucault, Derrida, Bourdieu et le mythe de la " pensée 68 "
Les sources françaises de l'antihumanisme
Parcours biographiques en mai 1968 : Lévi-Strauss, Althusser, Derrida
Foucault, un soixante-huitard qui s'ignore ?
Le scepticisime de Bourdieu sur mai 1968
12. Mai 1968, révolte humaniste ?
De Jankélévitch à... Bergson
La revanche de l'humanisme
Mai 1968 ou " quand les structures craquent "
Mai 1968 ou la " revanche de Sartre " ?
IV. La République contre mai 1968 ?
13. Retour à l'État républicain
B. Kriegel : du maoïsme à la République
Sortir de la " non-pensée 68 "
R. Debray : République contre démocratie ?
Gaullisme " aux alentours de mai 1968 "
14. Mai 1968 ou la crise du civisme républicain ?
La faillite politique et morale de mai 1968 selon M. Gauchet
Sacre des droits de l'homme, autodestruction de la démocratie ?
Gauchet, disciple de la sociologie américaine de l'individu ?
Narcissime contre " res publica "
De Gauchet à Dumont : une anthropologie conservatrice
De Dumont à l'antimodernisme radical de Guérnon
15. Nation républicaine ou " univers contestationnaire " ?
Les désastres de l'" univers contestationnaire "
Nation républicaine contre cosmopolitisme marchand
Un républicanisme paradoxal nourri d'idées antirépublicaines
Conclusion
Les " sédimentations " de mai 1968
Postface à l'édition 2008 : Quarante après : fin des luttes idéologiques ?
Les " publics " du discours anti-68
Un " gramscisme de droite "
De N. Sarkozy à la droite italienne
Vers une " doitre nouvelle " anti-68 en Europe ?
Le nouveau conservatisme britannique
Barack Obama : la fin des " guerres culturelles " ?
Le quarantième anniversaire en France
Le bilan de 68 vu de l'extrême droite et des catholiques traditionalistes
La droite anti-giscardienne et aronienne à l'offensive
Debray : les ravages de 68, pires que jamais
Le désastre de la " génération 68 " selon M. Gauchet
Le discours antilibéral contre 68 persiste et signe
L'idéal moderne d'authenticité et mai 1968
1968-2008 : le fil rompu ?