Prix littéraire 2019 du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Jean-Michel Chaumont, chercheur au Fonds national de la recherche scientifique belge et professeur de sociologie historique à l’Université de Louvain, est notamment l’auteur de La Concurrence des victimes. Génocide, identité, reconnaissance (La Découverte, 1997, 2002).
2017-11-16 - Roger-Pol Droit - Le Monde
Au terme d'une enquête qui mobilise aussi bien Tite Live, Shakespeare, Montesquieu, Durkheim que Levinas, on est saisi par l'audace de l'auteur qui pose des questions dérangeantes sur le « devergondage » des individus, rappelle l'assimilation antique de la figure du gladiateur et de la prostituée […] pour déboucher sur une critique de la domination masculine d'une extraordinaire actualité. On ne sort pas indemne d'une telle lecture.
2017-12-01 - Martin Legros - Philosophie magazine
Chaumont mène un travail formidable sur les archives et les témoignages d’abord des prisonniers communistes torturés, puis des déportés juifs et enfin de femmes victimes de viols.(…) Un ouvrage d’une incroyable complexité, à la fois analyse sociologique et traité de philosophie morale.
2017-12-02 - Raphael Bourgois - France Culture "Avis critique"
L’on ne saurait rendre compte de la richesse de cet ouvrage sans insister sur l’ampleur et la rigueur de l’enquête de sociologie morale réalisée par l’auteur. Ce dernier mobilise un vaste appareillage critique et empirique pour reconstruire les critères qui ont pu départager les conduites honorables des conduites déshonorantes. Nous nous sommes tous, à un moment donné, posé la question de notre choix entre la mort et le déshonneur, tout en ayant bien conscience que nous ne connaîtrons jamais la réponse à moins d’être confrontés à l’extrême. Sans doute révélateur d’une morale de l’humilité (la faute aurait pu être commise par soi-même) plus que de l’honneur (à l’antique), ce questionnement constitue l’un des fils rouges de cet ouvrage ambitieux et stimulant qui tente de dépasser l’indignation et de comprendre les raisons d’être du « blâme à la victime ».
2017-12-28 - Corinne Delmas - Open Edition
Y a-t-il encore des loyautés, symboliques ou pratiques, qui voudraient que l'on accorde plus de valeur à un héros mort qu'à une victime survivante ? Telle est la question que J.-M. Chaumont exhume pour notre grand inconfort.
2018-01-02 - Nicolas Journet - Sciences humaines
En lisant Survivre à tout prix ?, le dernier essai de Jean-Michel Chaumont, j’ai repensé à une rencontre qui m’avait marquée. C’était au Rwanda dans les semaines qui suivirent le génocide en 1994. L’odeur de la mort imprégnait encore toute la capitale. Les bâches bleues du HCR recouvraient les fosses communes et les rescapés donnaient l’impression de flotter dans les airs, traumatisés par cette apocalypse de violence à laquelle ils avaient survécu. J’avais rencontré alors à Kigali un prêtre hutu au courage exemplaire. Un homme au physique fluet et à la voix si douce qu’il fallait tendre l’oreille pour l’entendre. Il avait réussi à protéger dans son église les Tutsis qui avaient trouvé refuge. En dépit des risques pour sa vie et contrairement à d’autres prêtres, il n’avait pas cédé aux pressions des génocidaires lesquels voulaient s’emparer des Tutsis réfugiés dans son église afin de poursuivre leur besogne criminelle. Comme je lui demandais comment il avait eu la force de caractère de résister aux menaces de mort, sa réponse fut d’une étonnante simplicité : « J’avais simplement accepté l’idée de mourir ». Ce prêtre hutu avait répondu à la question que pose Jean-Michel Chaumont dans Survivre à tout prix ?
2018-03-07 - Pierre Hazan - Justice Info
La morale de l’honneur, qui enjoint à résister à tout prix ou choisir la mort pour sauver nos âmes, fait l’objet de cet ouvrage abondamment documenté où la sociologie historique rencontre la philosophie morale. Jean-Michel Chaumont s’attache à reconstruire les systèmes normatifs explicites ou implicites qui ont, par le passé, expliqué certaines réactions morales à l’égard des comportements des victimes placées dans des situations extrêmes : torture, camps de concentration et d’extermination, viol. Il y a quelques décennies encore, le discrédit jeté aujourd’hui sur le blâme aux victimes n’avait guère cours. Le fait d’être placé dans une situation extrême, une situation où, souvent, la seule alternative à la répudiation des engagements et des liens les plus sacrés est la mort, ne suffisait pas à disculper. En sociologue, J.-M. Chaumont montre de façon convaincante que les comportements des rescapés de la violence extrême ont été jugés, évalués par leurs contemporains, et ce à l’aune d’une éthique de l’honneur qu’il s’efforce de reconstruire.
2018-04-02 - Revue Nouvelle
Since the beginning of time, the survivors of the most unspeakable atrocities have been suspected of having sacrificed their honor and were questioned on why they survived. The overriding authority of this moral code has recently disappeared to be replaced by an ethics of survival whose price is no longer weighed in the balance. While this is undeniable moral progress, this new tendency obliges us to question a new situation where survival at all costs and treachery have become the standard.
The author points out the considerable evolution of our moral compass and highlights the regressions related to the risk of an uninhibited every man for himself attitude. If treachery became the unstated standard, if the ethics of survival had to take precedence over honor and loyalty to one’s people, do we not have to fear that, when the situation arises and we are faced with the extreme, like so many other unfortunates, we will lose our souls and join the ranks of the pitiless living dead?
Jean-Michel Chaumont is a researcher at the Fonds national de la recherche scientifique belge and a professor at the Université de Louvain. He is the author of La Concurrence des victimes (La Découverte, 1997, 2002).