Ce texte fondateur des " cultural studies " mêle écriture poétique, enquête de terrain et développements théoriques au service d'un projet atypique : une authentique sociologie du punk, écrite sur le vif, à l'apogée du mouvement, en 1979.
Appliquant aux sous-cultures des concepts issus de la linguistique, Hebdige décrit de façon novatrice les conflits sociaux comme des luttes pour l'appropriation et la réinterprétation de signes, dans ce qu'il appelle, à la suite d'Umberto Eco, une " guérilla sémiotique ". Musiques, vêtements, argots, rituels et coupes de cheveux forment des panoplies signifiantes. Toujours menacés de récupération marchande, ces " styles " apparaissent comme des instruments de confrontation et de résistance.
La jeunesse britannique des années 1970 fut le creuset du punk et du " glam-rock " - avec la figure de Bowie -, mais aussi d'une puissante sous-culture rasta importée en Angleterre par les migrants caribéens. Pour comprendre l'émergence du punk, il faut saisir l'importance de ces dialogues, par styles interposés, entre jeunesse britannique et immigrée : les sous-cultures se répondent entre elles dans un jeu complexe d'échanges, de déplacements et de citations. Avec une avance remarquable sur l'état du débat intellectuel en France, cet ouvrage essentiel fournit des outils conceptuels pour mieux comprendre la grande circulation des signes et des identités qui traverse les sous-cultures de jeunesse en situation postcoloniale.
Dick Hebdige, sociologue britannique né en 1951, enseigne à l'Université de Santa-Barbara aux États-Unis. Il est avec Stuart Hall, l'une des figures majeures des " cultural studies anglo-saxonne.
" En 1979, en pleine ère punk, Hebdige écrit Sous-culture, le sens du style, un ouvrage essentiel, enfin traduit, qui se proposait de décrypter les cultures juvéniles britanniques (punk, teddy boy, skin, mod...) de l'après-guerre et de les envisager comme des systèmes de communication à part entière. Ce texte fondateur, au même titre que les travaux de Stuart Hall sur les "cultural studies", a changé la façon d'appréhender les cultures jeunes, souvent rejetées et jugées indignes, révoltantes ou stupides par le monde des "adultes" (souvenons-nous, l'an passé, de la réception de la tecktonik). [...] Mais si son livre est si passionnant, c'est qu'il poursuit l'hypothèse suivante: selon lui, l'histoire des jeunes sous-cultures britanniques peut se lire, dès les années 50, comme une série de réponses différenciées à la présence des immigrants noirs dans le pays. [...] Autre apport essentiel du livre d'Hebdige: l'inscription et la mise en lumière de la sous-culture dans une temporalité, dans un cycle de résistance et d'assimilation. "
LES INROCKUPTIBLES
" Imprégné de l'ambiance crépusculaire de l'Angleterre préthatchérienne, Sous-culture en restitue la morosité morale et économique par le prisme des modes musicales, un point de vue très particulier qui rappelle les descriptions qu'en faisait Jonathan Coe dans Bienvenue au Club: c'était un temps où, en matière de rock, les querelles esthétiques étaient des affaires sérieuses. Hebdige montre notamment comment le style skinhead, le reggae, mais aussi le glamrock peuvent être interprétés comme autant de réponses d'une jeunesse prolétaire confrontée à la dégradation de sa situation économique et sociale. "
LIBÉRATION
" Hebdige s'intéresse aux phénomènes mimétiques. Il retrace les origines antillaises du reggae, d'une part, les métamorphoses de la conscience ouvrière britannique, d'autre part, afin de souligner emprunts et convergences: argot, rythmes, pas de danse, répertoire vestimentaire, drogues consommées... Ainsi, tandis que certains groupes punk arborent les couleurs éthiopiennes, d'autres glissent dans leurs chansons des thèmes issus en droite ligne du phrasé jamaïcain. De même la fameuse crête punk peut-elle s'interpréter comme une "approximation métaphorique" des nattes rastas. Au coeur de ces chassés-croisés, Dick Hebdige repère "ce va et vient dialectique du Blanc au Noir et du Noir au Blanc", qu'on retrouve également, bien sûr, dans l'histoire du jazz ou du rock. [...] Il cite Gramsci, Stuart Hall et Julia Kristeva, convoque T. S. Eliot, Genet et Barthes, et s'inscrit explicitement dans une tradition postcoloniale où les termes-cléfs sont "dominants" et "dominés". [...] Cette fois encore, la formation d'une conscience commune était passée par l'exaspération d'une radicale altérité. "
LE MONDE DES LIVRES
" Ce livre pose les bases d'une compréhension complexe des phénomènes juvéniles sous l'oeil macro d'une perception de la culture populaire comme un lieu d'affrontement et de positionnement face aux codes dominants et de domination. "
BARRICATA
" Un sociologue anglais décrypte les cultures jeunes, via la force subversive des beatniks, Teddy Boys, mods, skinheads, etc. Quand les objets les plus triviaux, épingle de nourrice, boots pointus, tube de vaseline, moto se chargent de symbolique, avec l'idée de style comme forme de refus. Sujet déviant, le punk est au centre de l'analyse, reflet déformé de toutes les sous-cultures d'après-guerre. "Ses représentants mettaient en scène une parodie de l'aliénation et du vide existentiel de l'époque, dramatisant le déclin britannique avec un bruit qui faisait (non-)sens"... Bien entendu ! "
SUD OUEST DIMANCHE
"Revendiquant la nécessité de rendre la parole aux discours critiques, de créer un espace de résistance éditoriale, le label Zones édité par les éditions La Découverte propose des textes centrés sur les contre-cultures, la contestation et les mouvements alternatifs. C'est dans cette perspective qu'est enfin traduit cet ouvrage de Dick Hebdidge publié en anglais en 1979. Figure emblématique des "cultural studies", classique de la littérature sur ce thème et à ce titre déjà largement critiqué, cet ouvrage nous invite à (re)plonger au coeur de la jeunesse britannique d'après-guerre, à la compréhension de la construction de la construction d'identités et de styles souvent qualifiés de "déviants" ou de "marginaux". "
RÉSEAUX
2024-10-09 - PRESSE
Introduction. Sous-culture et style
Chapitre 1. De la culture à l'hégémonie
I. Études de cas
Chapitre 2. Vacances au soleil : Mister Rotten réussit son coup
Babylone s'ennuie
Chapitre 3. Back of Africa
La solution rastafari
Le reggae et la culture rastafari
Exode : la double traversée
Chapitre 4. Hipsters, beats et teddy boys
Une nouvelle vague autochtone : le style mod
Peaux blanches, masques noirs
Glam et glitter : le charme pervers du rock albinos (et autres péripéties)
Racines décolorées : punk et ethnicité blanche
II. Une lecture
Chapitre 5. La fonction des sous-cultures
Spécificités : deux versions du style teddy boy
Les sources du style
Chapitre 6. Sous-culture : la rupture contre nature
Deux modalités de récupération
Chapitre 7. Le style comme communication intentionnelle
Le style comme bricolage
Style en révolte et style révoltant
Chapitre 8. Le style comme homologie
Le style comme pratique signifiante
Chapitre 9. Bon, d'accord, c'est de la culture, mais est-ce de l'art ?
Conclusion
Bibliographie.