La question de la souffrance est d’une actualité politique paradoxale. Si nos
responsables politiques ne cessent de parler de la « souffrance des
gens » ou de la « France qui souffre », on continue de toutes
parts à contester que le terme de souffrance puisse désigner de véritables
problèmes sociaux, et faire l’objet d’un usage politique pertinent. Certains
dénoncent dans la problématique de la souffrance la vision d’individus réduits à
des victimes impuissantes. D’autres dénoncent le paternalisme d’un Etat qui
prétendrait s’occuper du bonheur des individus. D’autres encore y voient une
nouvelle figure du biopouvoir et une psychologisation, voire une médicalisation
du social. Enfin, nombreux sont ceux pour qui la problématique de la souffrance
fait écran à la perception juste du poids des structures de la domination et de
l’exploitation
À travers un examen critique des modèles théoriques par
lesquels la sociologie et la psychologie, mais aussi l’économie politique, la
médecine sociale et l’anthropologie médicale, ont tenté de décrire la
souffrance, Emmanuel Renault montre que la souffrance sociale est un objet
susceptible d’être défini rigoureusement. À l’époque du capitalisme néolibéral,
une conception générale de la souffrance permet ainsi d’éclairer un certain
nombre de débats théoriques brûlants (en psychologie et en sociologie du travail
et de l’exclusion notamment) tout en contribuant à une relance de la critique
adaptée à la forme actuelle de la question sociale.
Décrire la souffrance
vécue, la constituer en objet de récit et de connaissance contribue à sortir des
pans entiers de la société de l’invisibilisation, à rendre aux individus une
capacité de revendiquer et d’agir collectivement pour transformer les conditions
de leur existence.
Emmanuel Renault enseigne la philosophie à l’université Paris Nanterre. Il est notamment l’auteur du Mépris social (Passant ordinaire, 2000), de Souffrances sociales (La Découverte, 2008), et de Reconnaissance, conflit, domination (Cnrs éditions, 2017).
« À travers un examen critique des modèles théoriques par lesquels la
sociologie et la psychologie, mais aussi l'économie politique, la médecine
sociale et l'anthropologie médicale ont tenté de la décrire. Emmanuel Renault
montre que la souffrance sociale est un objet susceptible d'être défini
rigoureusement. Décrire la souffrance vécue, la constituer en objet de récit et
de connaissance contribue à sortir des pans entiers de la société de
l'"invisibilisation", à rendre aux individus une capacité de revendiquer et
d'agir collectivement pour transformer les conditions de leur existence.
»
ESPACE SOCIAL EUROPÉEN
« On peut discuter de ce livre érudit
dont les argumentations subtiles empruntent à plusieurs espaces intellectuels.
Il reste que Souffrances sociales a un grand intérêt: au moment où le
thème de la souffrance, comme celui des victimes, s'impose sans discernement
dans notre univers politique et social, il importe de savoir de quoi on peut
parler sans être, ni envahi par l'émotion, ni réduit au silence par les plaintes
et les poses vertueuses et un peu convenues de la "critique". Dans un style
proprement théorique, le livre d'Emmanuel Renault nous apprend à voir ce qu'il
est si difficile de regarder en face. »
LA VIE DES IDÉES
« Sans
prétendre être un modèle de critique générale de la vie sociale, cette analyse
des souffrances sociales mérite d'y être intégrée et mobilisée pour une relance
du débat démocratique et l'émergence de l'action citoyenne.
»
L'HUMANITÉ
« Le concept de souffrance est-il opératoire pour
juger et définir une politique sociale ? Telle est l'interrogation qui jalonne
cet essai. Si le thème de la "France qui souffre" résonne souvent dans la bouche
des hommes politiques, le phénomène de "souffrance au travail" reste extrêmement
difficile à circonscrire. L'idée de souffrance sociale permet de caractériser
certaines des expériences négatives les plus caractéristiques de notre époque;
seulement, sa théorisation et son évaluation sont encore de vastes chantiers.
Constatant que "l'une des conséquences les plus remarquables des transformations
du travail tient à la mobilisation de la subjectivité dans le travail", l'auteur
estime que la critique sociale devra intégrer de plus en plus le répertoire de
la souffrance si elle ne veut pas passer à côté des vrais problèmes.
»
LIAISONS SOCIALES
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Introduction - 1. Obstacles et problèmes - Les obstacles à l’analyse de la souffrance sociale - Qu’entendre par souffrance sociale ? - Critiquer les pathologies sociales ? - Le point de vue de la théorie critique -2. Un vocabulaire politique - Souffrance et pauvreté - La critique socialiste - Capitalisme et souffrance - 3. La controverse actuelle - La souffrance comme préoccupation publique - L’institutionnalisation d’un lexique - La prolifération des objections - Trois diagnostics historiques - 4. Quatre modèles de pathologie sociale - Naturalisation, imputation de responsabilité et euphémisation - L’émergence de la médecine sociale -Pathologie et anomie - Souffrance dans la civilisation - 5. Les contours d'une conceptualisation - Contenu et dynamique de la souffrance - Clinique du travail - Clinique de la grande précarité - 6. Souffrance et critique sociale - Deux styles de critique théorique - Justice, réalisation de soi et aliénation - Critique du néolibéralisme.
Emmanuel Renault examines the notion and boundaries of social suffering. In our society of neoliberal capitalism, a general idea of suffering can shed light on several significant theoretical debates (notably in the fields of psychology and sociology of work and exclusion). Describing one’s experience of suffering, turning it into a narrative and a source of consciousness, helps people find the strength to defend their rights and use collective action to transform their existence.
Emmanuel Renault teaches philosophy at the ENS of Lyon. He is the author of Mépris social (Passant ordinaire, 1999), Où en est la théorie critique ? (sous la direction de E. Renault et Y. Sintomer, La Découverte, 2003) and L'expérience de l'injustice (La Découverte, 2004).