2016-06-10 - Orient XXI
Il n’est pas donné à n’importe qui de pénétrer les bas-fonds de Riyad, la capitale saoudienne. La filature des services de renseignement, la méfiance des habitants à l’égard du chercheur étranger, assimilé à un espion, et la fournaise qu’est la capitale saoudienne sept à huit mois sur douze, transforment le travail de terrain en dehors des malls climatisés et des sentiers battus en un parcours d’obstacles. A force d’obstination, l’anthropologue Pascal Ménoret est pourtant parvenu à aborder les marges délinquantes de la société saoudienne. C’est le grand intêret de Royaume d’asphalte : casser le cliché de la société riche, lisse et docile. La porte d’entrée dans cet univers, ce sont les rodéos automobiles, un phénomène qui touche les quartiers déshérités des grandes villes, où sévit un chômage endémique, surtout parmi les jeunes. En quatre années de terrain, dans les années 2000, Ménoret, alors doctorant, s’est immergé dans ce monde à part et a appris à en décrypter les codes.
2016-07-01 - Benjamin Barthe - Le Monde des Livres
Tout commence par un rodéo automobile dans un quartier excentré de Riyad. Des jeunes gens jouent à faire déraper à toute allure des voitures volées sur une de ces autoroutes autour desquelles s’organise l’espace de cette « antiville » qu’est devenue la capitale de l’Arabie saoudite. L’anthropologue Pascal Menoret suit un pick-up qui slalome et zigzague et n’hésite pas à s’engager dans des sens interdits pour éviter les patrouilles de police. C’est la nuit. Il fait froid, et l’excitation monte. Tout se termine par un accident, cette fois sans gravité. D’autres sont mortels. Car le cérémonial transgressif du rodéo se répète de façon régulière. Au fil des pages de son essai, Pascal Menoret va dévoiler la multiplicité des aspects et des sens de ce qui apparaît comme une violence politique.
2016-09-27 - Sonia Dayan-Herzbrun - En attendant Nadeau
Longue enquête ethnographique, l’ouvrage de l’anthropologue Pascal Menoret montre que les rodéos urbains auxquels s’adonnent les jeunes Saoudiens constituent « une manière d’affronter l’État dans ses opérations les plus banales : le contrôle des espaces publics, la protection de la propriété privée, le maintien de l’ordre ». L’auteur présente le développement de Riyad dès la fin des années 1960, avec la voiture comme « unité de mesure » de la capitale, finalement livrée aux « barons de l’immobilier ». Puis il analyse les parcours, les pratiques (l’« éthique du dérapage » et du contrôle de soi) de jeunes conducteurs qui « réinjectent de la confrontation » dans une ville soumise à un contrôle strict. Criminalisés par les autorités, les groupes de rodéo sont des espaces de socialisation, mais aussi de « romance homosociale », forme de « virilité agressive » qui défie les normes dominantes de la société.
2016-11-04 - Nicolas Appelt - Le Monde diplomatique