2015-02-27 - Julie Clarini - Le Monde des Livres
C’est l’histoire de Julien, sculpteur et artisan qui achète à Montreuil, une ancienne usine bourrée de produits chimiques abandonnés, pour la rénover et y vivre. C’est le pari de Rémi, technicien de l’audiovisuel qui acquiert un garage en dépit d’un marchand de biens sans scrupule et parvient à le reconvertir en « loft de magazine ». Ces choix de vie ont été saisis par la sociologue Anaïs Collet, dans le cadre d’une longue enquête de terrain consacrée à la mutation de deux quartiers populaires : le Bas-Montreuil, et la Croix-Rousse à Lyon. La chercheuse a étudié le phénomène de gentrification, déclenché par l’arrivée de classes moyennes dans des secteurs déshérités et vieillissants. Elle en a fait une thèse, devenu un livre intituléRester bourgeois, qui vient de paraître aux éditions La Découverte. Le lecteur croise une cinquantaine de trajectoires, comme celle de Bérengère et Loïc. Fonctionnaire et photographe, ils sont devenus propriétaires d’un sinistre pavillon avec des barreaux aux fenêtres, que la verdure et des travaux métamorphoseront au bout de sept ans. De générations différentes, les habitants suivis dans cette enquête ont emménagé entre 1987 et 2005 dans le Bas-Montreuil, très ouvrier et rempli de petites usines jusqu’aux années 1980.
2015-03-26 - Le Parisien
En 1960, dans son livre London Aspect of Change, la sociologue britannique Ruth Glass utilisait pour la première fois le terme « gentrification ». Il désignait sous sa plume l’éviction des classes laborieuses du centre-ville de Londres en faveur des couches supérieures. Popularisé et utilisé à foison, le concept traîne depuis une mauvaise réputation. Aujourd’hui, gentrification rime avec expropriation de l’habitat et spoliation de la mémoire ouvrière. Selon Anaïs Collet, cette condamnation morale empêche souvent de saisir le phénomène dans son ensemble. Rester Bourgeois entend combler ce manque. Pour comprendre la gentrification, la sociologue a enquêté sur les pentes de la Croix-Rousse à Lyon, puis à Montreuil, deux quartiers qui ont connu un important mouvement de population ces vingt dernières années. Elle y a rencontré les habitants, visité des logements, étudié les habitudes de consommation et observé les intérieurs. Elle constate la cohabitation parfois compliquée entre anciens et nouveaux habitants, et relève les transformations profondes qui sont intervenues. Étudier la gentrification c’est selon l’auteure toucher « des problématiques plus sociologiques que territoriales ». Au gré d’entretiens directs, elle dresse le portrait des nouveaux occupants des lieux. Membres de la « nouvelle classe moyenne », jeunes, travaillant souvent dans le secteur culturel ils « cherchent à monnayer ailleurs que sur le marché du travail un capital culturel qui y est dévalorisé ». Et il s’avère que s’ils achètent dans des quartiers populaires, c’est autant par goût que par stratégie économique.
2015-04-01 - Tomas Statius - Sciences Humaines