À la fois récit et essai philosophique, ces Réflexions furent le premier texte abolitionniste à être écrit au XVIIIe siècle de la main d'un ancien esclave africain. Publié en Angleterre en 1787, l'ouvrage de ce Rousseau noir est considéré outre-Atlantique comme un classique des " récits d'esclaves ". Méconnue en France, cette pièce essentielle de l'histoire de la conscience noire est enfin rendue disponible, rééditée ici pour la première fois depuis plus de deux cents ans dans une belle traduction originale du XVIIIe siècle.
Cugoano raconte comment, jeune garçon, il fut enlevé sur les côtes de l'Afrique et déporté dans la colonie britannique de la Grenade. Il témoigne directement de la violence des razzias, des conditions terribles de la traversée, des traitements inhumains à bord des bateaux négriers et de l'enfer de l'exploitation sur les plantations. Au-delà du récit, Cugoano rédige un véritable acte d'accusation contre les nations esclavagistes : faute de s'insurger contre la traite et l'esclavage, tous les Européens sont complices de l'oppression des Africains déportés. Il signe ainsi au nom de l'Afrique exploitée un réquisitoire sans appel contre les cruautés de l'Europe coloniale, dont les accents de colère résonnent encore aujourd'hui d'un écho particulier.
Autodidacte et lecteur scrupuleux de la Bible, Cugoano se propose en outre de réfuter les justifications de l'esclavage. En philosophe et exégète du texte sacré, l'ancien esclave démonte systématiquement chacun des arguments allégués pour justifier la domination de ses frères. Au-delà de l'indignation morale et de la condamnation politique, il entend triompher de l'oppression par la critique intellectuelle : retournant la langue du maître contre elle-même, réfutant la pratique des Européens par les principes mêmes dont ils se réclament.
Ottobah Cugoano, né dans l'actuel Ghana dans les années 1750 est mort en Angleterre vers 1801. Enlevé à l'âge de treize ans, il sert comme esclave à la Grenade avant d'être amené en Angleterre, où il est libéré. Baptisé sous le nom de John Stuart en 1773 et employé comme domestique du premier peintre du prince de Galles à compter de cette date, il se fait, par l'écriture, le porte-parole des esclaves africains.
2009-07-02 - Les clionautes
" C'est une représentation qui arrangeait une majorité de colons et circulait aussi chez les intellectuels: " Quelques écrivains ont voulu accabler les nègres en disant " qu'un Africain ne peut parvenir à aucun degré de vrai savoir (...), et qu'il est né pour être esclave " ". Réflexions sur la traite et l'esclavage des nègres, écrit et publié au XVIII° siècle en Grande-Bretagne, n'a été traduit en français qu'à la fin du XX° siècle. Le texte est réédité avec une nouvelle préface. En s'appuyant sur les lois bibliques, l'auteur démontre tout au long de son récit l'inhumanité des "voleurs d'hommes" envers leur semblables, puisque "tous les hommes sont fils d'Adam. "
REGARDS
" Ouvrage initialement publié en anglais en 1787, traduit en français l'année suivante, ces Réflexions se révèlent un pamphlet implacable contre la traite des noirs. le livre puise sa force persuasive de la vie tourmentée de son auteur, Ottobah Cugoano, né dans l'actuel Ghana, enlevé à l'âge de treize ans, esclave à Grenade, puis emmené en Angleterre où, converti au christianisme, il sera finalement libéré et éduqué. Il passera ensuite sa vie à combattre le commerce de la servitude "cet ennemi de toute idée de justice, d'équité, de raison et d'humanité. [...] Un témoignage passionnant, mais pessimiste sur la nature humaine. "
L'HUMANITÉ
2024-12-13 - PRESSE
Avant-propos, par Elsa Dorlin - Écrire en son nom : les slaves narratives - Une autre philosophie des Lumières - Un crime qui bafoue toutes les lois - La modernité ou l'ensauvagement de l'Europe - Abolissez l'esclavage ou tremblez ! - Préface du traducteur à la première édition française (1788) - Réflexions sur la traite et l'esclavage des Nègres.