Et si le « communautarisme musulman », unanimement dénoncé aujourd’hui en France, était moins le produit d’un supposé activisme islamique que celui des responsables politiques français ? C’est bien ce que montrent Vincent Geisser et Aziz Zemouri dans ce livre, fruit d’une longue enquête auprès des acteurs et grâce à des archives inédites. Retraçant la longue gestation républicaine du Conseil français du culte musulman (CFCM), ils révèlent tout ce qu’elle doit à l’héritage de l’Algérie coloniale : comme hier face aux « indigènes », la majorité des hommes et femmes politiques français affirment aujourd’hui, dans un paradoxe intenable, vouloir conduire progressivement les musulmans de France aux « lumières » de la laïcité et de la raison républicaine, tout en les maintenant dans leur spécificité islamique.
Des leaders socialistes à Jean-Marie Le Pen, en passant par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, c’est bien la même logique contradictoire, au-delà des variantes, qui est au cur de leurs modes de « gestion de la question musulmane » : au niveau national, jouer sur le spectre effrayant du communautarisme musulman tout en l’encourageant ; et, au niveau local, tisser des réseaux clientélistes dans une course parfois effrénée au « vote musulman » – comme l’illustrent ici les cas de la Seine-Saint-Denis, de Marseille et de Montpellier.
Sans ignorer le rôle des réseaux d’allégeances aux États autoritaires du monde arabo-musulman, les auteurs montrent, preuves à l’appui et au rebours des représentations dominantes, que les nouvelles générations de croyants de nationalité française aspirent très majoritairement à décoloniser l’islam de France et à se vivre pleinement comme citoyens de la République.
VincentGeisser politologue au CNRS, à l'Institut de recherche et d'études sur le monde arabe et musulman, est président du Centre d'information et d'étude sur les migrations internationales (CIEMI). Il est notamment l'auteur de Ethnicité républicaine (Presses de Sciences Po, 1997) et La Nouvelle islamophobie (La Découverte, 2003).
Aziz Zemouri, grand reporter au Figaro-Magazine depuis 1999, possède une longue expérience d’enquêtes en France sur des sujets divers (banlieues, islam, nationalisme corse…), mais aussi dans le monde arabe et musulman (Algérie, Maroc, Irak, pays du Golfe...). Il est l’auteur de Paroles de banlieues (avec Jean-Michel Decugis, Plon, 1995), Bagagiste à Roissy, présumé terroriste (avec Abderrezak Besseghir, Michel Lafon, 2003) et Faut-il faire taire Tariq Ramadan ? (L’Archipel, 2005).
« A l'issue d'une enquête approfondie, les deux auteurs montrent comment "la
communauté musulmane" a été progressivement hissée au rang de produit du
marketing politique et électoral, dans le sens de sa diabolisation, comme dans
celui de son apparente valorisation. De sorte que les politiques français
auraient réussi "l'exploit" paradoxal d'être à la fois islamophobe et
islamophile, sans y voir la moindre contradiction. »
LE
FIGARO
« Au-delà des clivages idéologiques, les deux auteurs
démontrent que le "communautarisme musulman" n'existe pas tant dans la réalité
sociale qu'à travers les propos des responsables politiques. Ils prônent une
écoute appuyée de la population et un traitement égalitaire, sans
stigmatisation, de cette "première génération de musulmans citoyens".
»
MATIN PLUS
« Pourquoi le communautarisme musulman fait-il
courir les hommes politiques ? C'est à cette question que se consacrent le
sociologue Vincent Geisser et le journaliste Aziz Zemouri dans leur livre
Marianne et Allah en montrant, non sans arguments, que les
responsables politiques français instrumentalisent très largement "la question
musulmane". »
LE POINT
« Il va sans dire que la critique tous
azimuts de Vincent Geisser et Aziz Zemouri leur vaudra les critiques et les
quolibets de beaucoup, ainsi que, sans doute, la haine de certains. Mais,
paraphrasant le proverbe, rappelons que si les intérêts mesquins et parfois
inavouables aboient, la caravane de la recherche passe et suit son chemin en
toute sérénité, car elle n'a de comptes à rendre qu'à l'histoire.
»
MIGRATIONS
« Ce livre, à la fois historique et sociologique
mais d'un abord simple, constitue au total une pénétrante analyse des
représentations dominantes. »
POLITIS
« Les deux auteurs voient
dans l'époque coloniale l'unique source des liens qui prévalent aujourd'hui.
Seule issue: renverser ce rapport inégal et aliénant, afin de "décoloniser
l'islam de France". Dans cette optique engagée, Geisser et Zemouri
analysent les relations des politiques français avec les communautés musulmanes
de l'Hexagone, de même foi mais de racine différente: algérienne, marocaine et
tunisienne notamment. Au fil du livre, le lecteur découvre des conflits de
groupes ou de personnes, sans saisir toutefois la totalité des enjeux. Parfois
le ton se fait plus âpre. Dans la ligne de mire, le Conseil français du culte
musulman, par exemple. Ou la Grande Mosquée de Paris, présentée comme soumise à
la fois aux autorités algériennes et françaises. Contradictoire ? Pas aux yeux
des auteurs. Selon eux, les deux pays vivent toujours sous le signe du "fantôme
colonial". Ils dénoncent les "institutions sécuritaires" qui verraient dans tout
musulman un islamiste potentiel, voire un terroriste, mais suspectent à leur
tour la laïcité de faire de l'islam sa cible privilégiée. L'ouvrage ne craint
pas la polémique: il est sans doute appeler à la susciter. »
LE FIGARO
MAGAZINE
« Trois styles sont décortiqués par les auteurs: le
pragmatisme calculateur d'un Raoult en Seine Saint Denis; le "dialogue
intercommunautaire" entre élites d'un Vigouroux puis la stratégie versatile de
son successeur Gaudin à Marseille; et enfin le "mépris comme politique" d'un
Frêche à Montpellier. "La construction d'un islam de France tranquillement
inscrit dans le vivre ensemble républicain reste donc une utopie" concluent les
auteurs, au terme de ce travail éclairant. Horizon des nouvelles générations:
"décoloniser l'islam de France". »
TERRITOIRES
« Un éclairage
salutaire. »
LE MONDE DES RELIGIONS
« L'intérêt
principal de l'ouvrage ne réside pas tant dans la défense d'une thèse nouvelle
que dans la mobilisation d'une documentation riche et d'instruments d'analyse
qui donnent de la force à sa démonstration. Les auteurs ont une connaissance du
terrain autant que des travaux sociologiques et historiques qui ont établi la
persistance jusqu'à aujourd'hui d'un traitement différentialiste des immigrés
musulmans et de leurs descendants en France. Cela leur permet de mettre en
évidence l'ancrage dans le passé des conceptions politiques sur l'islam
qui expliquent comment s'est fabriqué un tel "communautarisme" en trompe-l'oeil.
Peu nouvelle, la thèse de la "colonisation" de l'islam français est relativement
répandue dans de nombreux milieux musulmans hexagonaux (le Mouvement des
indigènes de la République en est sans doute le principal vecteur de diffusion
aujourd'hui), mais également parmi les plus jeunes générations, celles qui
souhaiteraient que la question de l'islam soit posée en de nouveaux termes. En
présentant de façon solidement argumentée des positions et des discours fort
répandus au sein des populations musulmanes de France, Marianne et Allah est un
essai utile qui devrait mieux faire comprendre à un public non spécialisé la
situation actuelle des musulmans en France. »
IISMM -
EHESS
0000-00-00 - PRESSE
Introduction : De l'indigène au client musulman - Vous avez dit « islam français » ? - L'invention républicaine de la « communauté musulmane » - Une enquête inédite - I / L'invention républicaine de la « communauté musulmane » - 1. Surveiller, contrôler et représenter : le fantôme colonial - Le « syndrôme algérien » - La police des « âmes musulmanes » - Des orientalistes d'hier aux politologues d'aujourd'hui : relations incestueuses avec l'appareil sécuritaire - Une gestion diplomatique : construire un « islam français » à la lumière des cheikhs d'Al-Azhar ? - 2. Organiser les musulmans : une obsession républicaine - Libéralisme et paternalisme giscardiens (1974-1981) - L'éclipse de la « question musulmane » (1981-1989) - L'humanisme républicain de Pierre Joxe (1989-1993) - Charles Pasqua et les généraux algériens (1993-1995) - Jean-Louis Debré, ou le retour à une gestion frileuse (1995-1997) - Jean-Pierre Chevènement : un jacobin arabophile (1997-2002) - L'« esprit Sarkozy » souffle sur le CFCM : récupération et personnalisation du processus - 3. Portrait du consulté, portrait du consulteur : l'envers du décor du CFCM - Portrait du consulteur : les hommes de l'ombre - Portrait du consulté : des musulmans ordinaires à la « table de la République » - II / L'islamisation politique de l'Autre - 4. Sarkozy et sa « chose musulmane » : un communautarisme sécuritaire - La « chose musulmane » : un levier de pouvoir personnel - Le petit « catéchisme musulman » de saint Nicolas - L'islam de France, terrain de prédilection du clientélisme sarkozyen - Les « Frères » auxiliaires de la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy ? - Épilogue d'une « politique musulmane » inachevée : déceptions et désillusions - 5. Chirac, nouvel apôtre d'une laïcité civilisatrice ? Retour sur l'« épisode Stasi » - Un dispositif présidentiel bien rodé : les faux-semblants d'un processus démocratique - « Les barbares sont parmi nous » : le cordon sanitaire laïque - Des « sages » sous influence - Du « bruit et l'odeur » à la « laïcité en péril » : deux époques, deux styles chiraquiens - 6. Le PS et les musulmans : un malentendu historique - L'instituteur socialiste et son élève musulman - Antidotes laïques pour banlieues islamiques - Des « socialistes musulmans » face au paternalisme indigénophile - Indigéniste électoral : diversité ou diversion ? - Un anachronisme politique - 7. Les musulmans des Le Pen : un islam aux couleurs BBR ? - Le Pen, « nouvel ami » des musulmans ? - La légende musulmane de la famille Le Pen - Farid Smahi, l'apôtre du « national-islam » - Vers l'émergence d'un vote musulman FN ? - 8. Le CRIF et les musulmans : recherche désespérément « barbus imberbes » - Le CRIF, acteur central de la « politique musulmane » de la France - L'après-intifada et la polémique sur l'« antisémitisme musulman » - Dénonciation de la « palestinophilie » française et dialogue avec les « musulmans modérés » - Le CRIF et l'affaire du voile islamique : des « foulards antisémites » ? - 9. Kabyles démocrates contre musulmans fanatiques - L'invention coloniale du Kabyle démocrate, blond aux yeux bleus - La résurrection de la « kabylophilie » en politique française - Le Kabyle imaginaire - III / Petits laboratoires locaux du communautarisme - 10. Le communautarisme débridé du « système Raoult » dans le « 9-3 » - La méthode Bugeaud - Un islamophile pro-israélien, ami des autocrates arabes - Contrôler localement l'UMP grâce aux « élites indigènes » - « Pratiques coloniales » ? - 11. De Deferre à Gaudin : une laïcité très « marseillaise » - Marseille et son fantôme colonial - L'ombre de Gaston : une clientélisation tardive des « musulmans » - Les musulmans, « nouveaux clients » de la municipalité Vigouroux - Jean-Claude Gaudin et « ses » musulmans : la « Françalgérie » à Marseille ? - Un « islam-FLN » encouragés par les nostalgiques de l'épopée coloniale algérienne - Une « Grande Mosquée de Paris » à Marseille ? -12. La leçon de socialisme colonial du professeur Frêche - Une politique municpale de l'identité - « Pieds-noirs d'abord ! » : un contact précoce avec les milieux de l'OAS - Un islam municipal sous tutelle : le mépris comme politique musulmane - Conclusion : Décoloniser l'islam de France - Notes.