Peut-on penser le monde social du point de vue de l'intérêt des dominés ? Comment penser l'articulation entre la philosophie et les luttes et résistances de ceux qui sont tenus pour socialement négligeables, mineurs et subalternes ? La philosophie peut-elle contribuer à l'émergence de ces luttes et à la formation de ces résistances ? Comment relancer philosophiquement une interrogation substantielle sur les conditions d'une vie sociale accomplie ?
Toutes ces questions ont été pratiquement interdites de séjour depuis plus de vingt ans dans le champ de la philosophie. En effet, à partir du début des années 1980, on a assisté à un " retour de la philosophie politique ", de ses concepts classiques (la loi, la souveraineté, le droit) et ses dualismes typiques (la société et l'État, les individus et la société, l'économique et le politique). Avec pour résultat une une dépolitisation profonde de la réflexion philosophique qui a accompagné, sinon justifié, les politiques de démantèlement de l'État social issu de l'après-guerre.
Dans ce livre dense et percutant, Franck Fischbach entreprend de réintroduire la question sociale dans le champ de la philosophie, et par là de réhabiliter sa fonction critique. Il restitue dans sa diversité une tradition de pensée, la philosophie sociale, apparue en Europe au tournant des XVIIIe et XIXe siècles.
Il montre aussi et surtout que cette tradition n'a jamais été aussi vivante et aussi nécessaire, en dépit des tentatives pour l'occulter : la conjonction des apports d'une sociologie critique de la domination et du renouvellement d'une théorie critique de la société autorise aujourd'hui la relance d'une philosophie sociale qui porte et légitime les raisons de ceux qui ont intérêt à la transformation sociale.
Franck Fischbach est professeur de philosophie à l'Université de Nice-Sophia Antipolis. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont L'Etre et l'Acte (Vrin, 2002), La Production des hommes (PUF, 2005) et Sans objet. Capitalisme, subjectivité, aliénation (Vrin, 2009).
" La philosophie sociale dont Franck Fischbach propose le manifeste décrit bien la manière dont se mènent aujourd'hui les luttes sociales. Et comment ces luttes, en posant la question de la vie accomplie, ne se déploient pas tant sur le terrain de la justice économique que sur le terrain des valeurs morales. Ce qui, comme le montrent les débats écologiques, leur donne toute leur force. "
LES ÉCHOS
" Étrange discipline que la philosophie sociale. Née au tournant des XVIII° et XIX° siècles, elle occupa tout autant des jeunes hégéliens et Marx que des sociologues durkheimiens, comme Célestin Bouglé et des nostalgiques de l'Ancien Régime, tel Joseph de Maistre. Son heure de gloire fut sans doute d'avoir été choisie comme bannière par Max Horkheimer lorsque celui-ci inaugura à Francfort, en 1923, l'Institut de recherche sociale qui donna naissance à la théorie critique. C'est tout le mérite du manifeste publié aujourd'hui par Franck Fischbach que de montrer l'éclipse qu'à connu cette philosophie soucieuse de donner forme aux "voix étouffées et minorées". de montrer ce que cette éclipse a dû, en France, de retour en force, dans les années 1980, d'une philosophie politique normative portée par quelques maîtres - petits et grands -, ici égratignés. De proposer, enfin, des concepts permettant de comprendre et de combattre l'invisibilité croissante d'une part du monde social. Toute lueur critique n'a donc pas disparu du fronton de la philosophie, pour Franck Fischbach. "
LE MONDE
" Les luttes philosophiques sont aussi des luttes de classes: c'est ce que les néophytes découvriront à la lecture de l'essai de Franck Fischbach. Afin de délégitimer les philosophes défendant les bienfaits de l'économie de marché et l'État moderne, devenus hégémoniques dans l'université et les médias depuis les années 1980, l'auteur en appelle à revenir à la tradition critique instaurée par Nietzsche, Marx et Max Weber, et prolongée par des penseurs tels que Lukàcs, Herbet Marcuse ou Cornelius Castoriadis: une tradition qui n'hésitait pas à parler de nihilisme, d'aniélation, de fétichisme de la marchandise ou de désenchantement du monde pour caractériser notre société. Reste maintenant à réfléchir aux modalités d'une réappropriation de cette philosophie sociale par tous les domin-é-es (et non plus seulement par les intellectuels). "
OFFENSIVE
2024-10-04 - PRESSE
Avant-propos
1. La philosophie sociale : une inconnue française ou presque
La mauvaise réputation de la philosophie sociale
Le cas français
Réforme ou révolution ?
2. Philosophie sociale versus philosophie politique
Naissance du social
L'individu social
La politisation du social
3. Les caractères de la philosophie sociale
La société contre l'État
La pratique théorique comme élément de la division sociale du travail
Diagnostiquer ce qui ne va pas dans ce qui est
Évaluer et critiquer l'existant
Identifier les destinataires : le problème du porte-parole
4. Les machinations du " social "
Le social comme " problème " et " question "
À quoi (et à qui) a servi " l'invention du social " ?
5. La critique du " social "
Le souci, l'assistance et la domination
L'exemple de la médecine sociale : droit à la santé ou droit à la maladie ?
Conclusion : Philosophie sociale et sociologie
Les concepts critiques
Critique sociale et autoréflexion
Objections.