2014-05-23 - Thomas Rabino - Marianne
En général, les ouvrages relatifs à l’Allemagne hitlérienne prêtent rarement à la légèreté de ton : le sujet est souvent traité de manière pesante et dramatisé. Toutefois, il serait erroné aussi de croire à l’idée d’un IIIe Reich monolithique dans lequel « un peuple forcené [aurait marché] derrière un seul homme vers un massacre programmé ». Le propos de Vincent Platini, enseignant et chercheur à l’Université Libre de Berlin, n’est ici évidemment pas d’atténuer les atrocités commises en ce temps mais plutôt d’introduire un aspect souvent négligé de la culture de masse sous le règne nazi : le divertissement populaire. Le propos semblera décalé. Mais c’est en cela que repose notamment l’intérêt du livre.
2014-05-23 - Eric David - Liens socio
L’ordre contre l’obscurité : on pourrait croire que l’imaginaire de la littérature policière a fait de celle-ci un instrument privilégié de la propagande nazie. La réalité fut bien plus complexe. Vincent Platini, en livrant son anthologie du récit policier et une étude de la culture populaire sous le IIIe Reich, Lire, s’évader, résister, éclaire finement les rapports entretenus par le régime avec ce genre littéraire.
2014-06-20 - Julie Clarini - Le Monde
Le IIIe Reich fut sans doute l’un des régimes où la propagande exerça la plus forte emprise sur la société allemande. Le ministre chargé de la penser et de l’appliquer dans tous les aspects de la vie quotidienne, Joseph Goebbels, en fit une entreprise inédite par son ambition totalitaire. Pour autant, l’idéal de la propagande n’est pas d’être omniprésente et par trop massive, faute de quoi elle manque son but. « Dès qu’une propagande est consciente, elle devient inefficace », disait J. Goebbels. C’est le mérite du travail de Vincent Platini de montrer comment la culture populaire allemande de l’époque s’est efforcée de contourner l’obstacle et de se glisser dans les failles de l’édifice. Le cinéma, la littérature populaire, le roman policier en particulier, même soumis au contrôle d’une administration aux effectifs pléthoriques, ont pu être le lieu d’une critique discrète et d’un ferment de dissidence. C’est par allusions, silences, aposiopèses (suspensions rhétoriques de la fin de la phrase) et autres contournements que s’est manifesté l’écart au discours imposé. L’art officiel conduisant à la lassitude à force de répétition, les « contrebandiers de la culture de masse » se frayèrent un chemin dans la masse de la production, rusant en permanence face à la terreur et à la censure. Ainsi, le divertissement populaire a-t-il gardé un degré de liberté durant toute la durée du régime et même pendant la guerre.
2014-10-01 - Nicolas Journet - Sciences humaines
Should we consider mass culture a form of soft propaganda ? No. If "highbrow" culture had well and truly been made to conform under the Third Reich, popular entertainment, precisely because it wasn't considered worthy of interest, enjoyed a certain amount of freedom. Thus there existed under the Nazi dictatorship novels, newspapers, and films that harbored ferocious critiques of the regime, and they were widely distributed. A groundbreaking essay.
Vincent Platini teaches comparative literature at the Fach-Universität in Berlin.