La mise au travail salarial repose sur la capacité de l'employeur d'organiser au mieux le travail du salarié pendant le temps payé, c'est-à-dire de la façon la plus rentable. Or rien ne pourra empêcher que ce temps appartienne en fait aux deux parties : aux salariés qui le vivent, lui donnent sens, et à l'employeur qui doit trouver les moyens d'en faire l'usage le plus efficace. La solution taylorienne visait à désamorcer toute résistance humaine en objectivant le plus possible ce temps par des gestes imposés et des temps alloués. Les formes les plus modernes de travail visent, elles, à enrôler l'intimité et la personnalité des salariés dans des conditions qui restent imposées et au prix de la " colonisation " leur vie privée : vie privée et professionnelle sont désormais enchevêtrées, tributaires l'une de l'autre. Cela n'est certes pas nouveau, mais ces effets semblent aujourd'hui plus profonds, avec la difficulté de programmer sa vie dans le cadre d'une mobilité généralisée, contraignant en permanence à " développer ses compétences " pour assurer son " employabilité ". Dans cet ouvrage réunissant des contributions de sociologues, d'historiens et d'économistes, une première partie étudie la construction et la déconstruction des normes temporelles du travail, et les phases de transition (notamment dans l'industrie française et dans l'ex-bloc socialiste). Une seconde partie est consacrée aux exacerbations actuelles des contradictions autour des enjeux de qualité et de productivité, dans des secteurs aussi divers que les abattoirs, les hôpitaux, la restauration rapide, les centres d'appel, les CAF et les banques.
Danièle Linhart, docteure en sociologie, est directeure de recherches au CNRS. Elle enseigne à l'université de Paris-X-Nanterre et dirige le laboratoire " Travail et mobilités ".
Aimée Moutet est historienne et professeur émérite à l'université de Villetaneuse (Paris-XIII).
" Une équipe de sociologues a mené des enquêtes sur l'évolution de la composante "temps" dans l'organisation du travail. [...] Ces visions - très fines - du fonctionnement des entreprises sont d'un grand intérêt. "
LE MONDE INITIATIVES
" Pour qui croirait à la fable selon laquelle le monde de "l'entreprise moderne" est une école d'autonomie, de responsabilité et d'initiative, cet ensemble de recherches menées dans des entreprises des secteur industriel et des services remettra les pendules à l'heure. [...] Il ne s'agit plus que les salariés fassent abstraction d'eux-mêmes dans le travail mais qu'au contraire ils fassent "l'usage [d'eux-même] le plus approprié du point de vue de l'entreprise". "
NOUVEAUX REGARDS
" À la logique taylorienne qui objective le temps et les capacités du personnel employé en les gérant comme des ressources productives, l'ouvrage oppose les formes plus modernes du travail qui impliquent davantage le salarié au seul profit de l'entreprise. Cette construction sociale des normes temporelles du travail est analysée à l'aide de contributions variées portant successivement sur différents secteurs de l'économie, en France comme dans l'ex-bloc socialiste : l'industrie, les centres d'appel, la restauration rapide, la banque, les hôpitaux... "
FORMATION EMPLOI
2024-10-04 - PRESSE
Remerciements
Introduction générale
Le contrat de travail salarié : un quiproquo fondamental, par Danièle Linhart
L'épineuse question de l'exclusivité
Temps et travail interchangeables
À la recherche du temps perdu, à la conquête des subjectivités retrouvées
Rationalisation de l'espace-temps
Rationalisation des subjectivités
Références bibliographiques
I. L'irruption de nouvelles formes
Introduction, par Nicolas Hatzfeld et Aimée Moutet
1. Études de temps et intensification du travail dans l'industrie française de 1945 à la décennie 1960, par Aimée Moutet
La reconstruction 1945-1950
La décennie 1950 : la cotation de poste et ses conséquences pour le personnel des usines
Les années 1960. Les " stèmes " et l'écart entre travail prescrit et travail réel
Conclusion
Références bibliographiques
2. Du règne du chronomètre au sacre du temps virtuel. Une histoire de succession aux usines Peugeot (1946-1996), par Nicolas Hatzfeld
Quand le chrono conquiert les ateliers (années 1940-années 1970)
Les temps virtuels et l'éviction du chronomètre (années 1980-1990)
Conclusion
Références bibliographiques
3. Vers une désocialisation des contraintes temporelles du travail. Le cas de " OAO roulements à billes moscovite ", par Carine Clément
Les termes de la transition économique
Les salariés : une reprise en main
Les relations de travail : une faible conflictualité
La place du temps dans l'organisation du travail : une variable dépendante
La construction du temps
La contradiction entre les objectifs de temps et les objectifs de qualité
Temps de travail et temps social
Conclusion
4. Normes en transition : l'exemple d'une aciérie en Allemagne de l'Est, par Gislaine Guittard
De la nationalisation à la transition
De la transition à la privatisation
Vers un temps flexible
Vers de nouvelles compétences
Vers l'individualisation
Conclusion
Références bibliographiques
5. La compression des temps. Quand les services financiers s'équipent en plateaux téléphoniques, par Chantal Cossalter
L'innovation technologique
Le dispositif de travail
L'organisation de la production et du travail : différents cas de figure
Une volonté de renouveler la relation de service : une relation dans la durée, de proximité spatiale et temporelle
Les compétences des téléopérateurs
Références bibliographiques
II. Sophistication et exacerbation du temps normé
Introduction, par Danièle Linhart
6. L'obsession du flux tendu : les usines d'équipement automobile des parcs industriels fournisseurs, par Armelle Gorgeu et René Mathieu
Pression du constructeur et modes de fonctionnement de Smartville et Sandouville
La répercussion de la pression du constructeur sur le personnel de production des usines des PIF
Références bibliographiques
7. Apprentissage des normes temporelles du travail salarié, un nouveau défi pour les chauffeurs routiers, par Hélène Desfontaines
Un système professionnel de travail
Les ruptures
L'organisation du travail
L'apprentissage de travail
Conclusion
Références bibliographiques
8. Le temps du démontage. L'adaptation collective aux contraintes de production dans un abattoir, par Séverin Muller
Le démontage d'un produit non standard
Les effets de la crise : une main-d'oeuvre de passage inadaptée aux transformations induites par la traçabilité
La solidarité d'ajustement face à la transformation des contraintes
L'adaptabilité collective comme compétence et les usages du temps flottant
Références bibliographiques
9. Les centres d'appels téléphoniques : une certaine idée du service au client , par Mathieu Amiech
Les centres d'appels ou la nécessité de multiplier les " contacts clients " en temps réel
Un dispositif de rationalisation du travail de service
Le temps du " discount client " ou l'étonnante rationalisation du langage
Conclusion
Repères bibliographiques
10. Contraindre et convaincre par le biais des normes temporelles. Le management chez McDonald's, par Hélène Weber
Travail haché, salariés en sandwich
L'adhésion des employés comme garantie de l'efficacité du système
Références bibliographiques
11. Flexibilité et dévouement. Le temps extensif d'une agence bancaire du quartier de l'Arbat, par Carine Clément
La flexibilité du temps
La flexibilité du salaire
Les modalités de contrôle du travail des opérateurs
La plasticité/satisfaction des opérateurs
Conclusion
12. Les temps sont durs pour les techniciens conseil des CAF, par Danièle Linhart
La gestion de la misère en direct
Stratégies d'adaptation
Plus de métier, moins de temps
À la recherche du temps de la qualité
La dictature du retard
Le soutien du collectif
Références bibliographiques
13. L'hôpital malade du temps, par Robert Linhart
Une informatisation tatillonne
Le malaise
Une entrave à la qualité du travail
Liste des auteurs.