0016-11-18 - Dominique Borne - Sciences Humaines
Un spécialiste de l’art s’est penché sur l’éruption du volcan Tambora à Java en 1815 qui a eu des répercussions considérables et une influence invisible mais profonde sur l’état du monde. De mémoire agricole européenne, on l’a appelé "l’année sans été" ou encore "l’année du mendiant". Nous sommes en avril 1815, au lendemain des guerres napoléoniennes et le monde ignore qu’il va subir une véritable catastrophe climatique. Le volcan Tambora, près de Java, connait une violente éruption, et même exceptionnelle, aux conséquences incalculables : toute une série d’inondations, famines et épidémies fut provoquée par la cendre crachée haut dans la stratosphère. Cet épais nuage de 150 km3 fit plusieurs fois le tour de la Terre. L’année suivante, les moyennes de température en Europe dégringolèrent de 0,5° à plus de 1°C. Cette éruption historique, plus puissante que celle du Vésuve, a laissé des traces physiques, culturelles et psychologiques. La colère du Tambora ne s’est-elle pas manifestée à la suite du printemps 1815 qui a vu l’épisode des Cent-jours, Waterloo et la chute de Napoléon, le découpage de l’Europe lors du congrès de Vienne ?
2016-08-05 - Les Influences
L’épisode est connu ; son origine volcanique nettement moins. Là réside le travail remarquable de l’historien américain. Rapprocher les événements, établir les « téléconnexions ». Pour cela, il puise dans les sources scientifiques – les premiers relevés météorologiques, les observations des médecins, les carnets de voyageurs -, mais aussi les œuvres des poètes et des peintres (Caspar Friedrich, Constable, Turner…). Il plonge dans le passé lointain, l’éclaire à la lumière des dernières études, observation de volcans récents (Pinatubo, 1991) ou simulations des conséquences de l’éruption de 1815 – la plus importante du millénaire – sur la météorologie mondiale. (…) Ainsi, D’Arcy Wood déterre des épisodes enfouis. En Europe mais plus encore en Asie. Qui se souvient que c’est l’absence de mousson en 1816, puis les pluies diluviennes de 1817 qui ont provoqué la première grande épidémie de choléra en Inde ? L’historien convoque climatologues et biologistes pour pointer du doigt le Tambora. Même diagnostic pour la crise alimentaire qui décima le Yunnan entre 1815 et 1818 et convertit la province chinoise à la culture de l’opium. Jonglant entre les explications agronomiques et sur la culture du riz et les admirables poèmes de Li Yuyang, il offre là quelques pages magnifiques…auxquelles n’ont rien à envier les deux chapitres consacrés aux régimes glaciaires. L’un décrit l’improbable fonte de la banquise arctique – eh oui, il peut faire froid en Europe et chaud au Groenland – et la quête britannique du passage du Nord-Ouest. L’autre, l’apparition d’un barrage de glace dans le Valais puis la débâcle qui submergea la ville de Martigny, à l’origine de milliers de morts et de la théorie moderne de la formation des Alpes. De quoi lancer un sévère avertissement contre « l’hubris technologique » moderne. « Si, au début des années 1800, un changement climatique de trois ans a provoqué de telles destructions et redéfinit les affaires humaines (…), alors, il est impossible d’imaginer les conséquences futures d’un changement climatique de plusieurs décennies. » « L’histoire du Tambora, comme le Frankenstein de Mary Shelley, doivent être pris pour des mises en garde », poursuit l’historien. Nul doute que le parallèle s’impose. Et dans les deux cas, on garantit les frissons.
2016-08-26 - Nathaniel Herzberg - Le Monde des Livres
Quel rapport entre grande famine en Irlande, l’explosion du marché de l’opium en Chine, la dépression du président Thomas Jefferson (et celle, économique, de son jeune pays), la diminution de la banquise en Arctique, la couleur des ciels dans les tableaux de Turner, la fluctuation des prix des céréales en Europe, l’épidémie de choléra au Bengale et l’élaboration de la première théorie moderne et libérale de l’État ? L’éruption du volcan Tambora le 11 avril 1816 ! Situé sur l’île de Sumbawa, à l’est de Java, dans les Indes néerlandaises, l’explosion de ce « Vésuve oriental » a eu, au-delà de ses victimes locales bien vite oubliées, des conséquences aussi insoupçonnées qu’effroyables sur le climat et, par là, sur l’économie régionale et mondiale mais aussi sur la marche politique du monde. Telle est la thèse – séduisante, argumentée, singulière – de l’historien Gillen D’Arcy Wood dans un essai stimulant de 300 pages dont les développements scientifiques parfois savants n’entravent jamais le plaisir d’une lecture agrémentée par l’irruption de figures artistiques et littéraires comme Constable ou Keats. Car leurs œuvres aussi, souligne D’Arcy Wood, furent « inspirées » par cette catastrophe méconnue. Ainsi, de Frankenstein : « La célèbre créature de Mary Shelley porter la marque des populations européennes affamées et malades au milieu desquelles elle vivant pendant ce terrible été du Tambora ». Qui s’en serait douté ?
2016-08-26 - Jean-Christophe Buisson - Le Figaro Magazine
Raconter cette histoire, c’est également montrer la folie de la géo-ingénierie, cette nouvelle discipline scientifique qui propose de résoudre la crise climatique par la technologie, par exemple en projetant de gigantesques volumes d’aérosols de sulfate dans la stratosphère pour refroidir artificiellement la Terre : avec Tambora, on voit combien, dans un processus climatique, les réactions en chaîne sont immaîtrisables. À travers ce cataclysme vieux de deux cents ans, D’Arcy Wood nous met en garde à propos d’une autre catastrophe, celle à laquelle nous nous exposons en n’endiguant pas le réchauffement climatique. Cette fois, la cause ne pourra être attribuée à l’éruption d’un volcan indonésien – dont les projections disparurent en trois ans – mais bien à l’inconscience humaine.
2016-09-15 - Xavier de La Porte - L'Obs
Les désordres climatiques hantent les hommes depuis longtemps sans qu’ils sachent toujours les comprendre. Ce n’est que très récemment qu’on a ainsi pris conscience des ravages planétaires causés par ce qui fut sans doute la plus grande éruption volcanique des derniers millénaires. Sans un témoignage écrit recueilli par les Britanniques, cet événement majeur tombé dans l’oubli aurait pu être oublié à jamais englouti. C’est l’histoire de ce phénomène mondial que retrace avec brio un professeur à l’université de l’Illinois, faisant appel aussi bien aux écrits littéraires qu’aux études climatologiques les plus pointues. (…) On a fait le lien entre l’éruption cataclysmique de Santorin dans la mer Égée, en 1628 av. JC, la chute de la civilisation minoenne, la légende de l’Atlantide et l’exode des Hébreux hors d’une Égypte frappée par la peste selon le récit biblique. Ce livre d’histoire globale décrit en décryptant avec rigueur un phénomène du même type. Alors que les enjeux climatiques nous interrogent, il nous saisit avec une acuité particulière.
2016-09-22 - Jean-Marc Bastière - Le Figaro littéraire
Quel est le fait historique le plus important du XIXe siècle? Waterloo, l’unité allemande et italienne, la guerre de Sécession? Tout se discute bien sûr, l’histoire n’est pas une science objective. Mais à la lecture de «L’Année sans été de Gillen d’Arcy Wood», il se pourrait bien que le phénomène le plus marquant du siècle soit… l’éruption du Tambora en 1815, un volcan de l’île de Sumbawa en Indonésie.
2016-10-07 - Emmanuel Gehrig - Le Temps