Depuis le 11 septembre 2001, la torture est devenue, aux États-Unis, une pratique d'État politiquement et juridiquement justifiée par la " guerre globale contre la terreur ". Mais on sait moins, en Europe, qu'elle y a également fait l'objet d'une légitimation morale : pour d'éminents penseurs américains, la torture serait un mal nécessaire, voire un bien, dans certaines situations de menace extrême. Comment comprendre cette dramatique régression de la " première démocratie " ?
La réponse à cette question est moins évidente qu'il n'y paraît. D'où l'importance de cet essai, où Michel Terestchenko l'affronte dans toutes ses dimensions. Historique d'abord, car les techniques d'" interrogatoire coercitif " sont le fruit de recherches scientifiques entreprises par l'US Army dès les années 1950. Juridique ensuite, avec les justifications légalisées par le Congrès américain, qui a permis la création d'un véritable archipel mondial de la torture. Philosophique et morale, enfin et surtout, avec une réfutation serrée de l'" idéologie libérale de la torture ". L'auteur explique notamment pourquoi son argument central, l'hypothèse de la " bombe à retardement " justifiant la torture de l'individu qui l'a posée, n'est en réalité qu'une fable perverse, popularisée notamment par la série télévisée " 24 heures ".
Ainsi légitimée, démontre l'auteur, la torture devient le venin de la démocratie : en acceptant de briser les corps des hommes et des femmes " ennemis ", elle mine inévitablement les principes mêmes de l'État de droit, corrompant la société tout entière.
Michel Terestchenko, maître de conférences de philosophie à l'université de Reims, est l'auteur de plusieurs ouvrages de philosophie morale et politique, dont Un si fragile vernis d'humanité. Banalité du mal, banalité du bien (La Découverte/Poches, 2007), salué comme l'un des essais les plus importants de l'année 2005. Il est également l'auteur d'un blog michel-tereschenko.blogspot.com
" Vous aimez la série 24 Heures chrono ? Vous admirez Jack Bauer, tortionnaire solitaire et tragique, qui, grâce, à ses interrogatoires musclés, déjoue des attentats meurtriers ? Ce livre de Michel Terestchenko est fait pour vous: Du bon usage de la torture est une passionnante démonstration de philosophie morale et politique, destinée à réfuter les arguments qui légitiment la torture - quand elle est conçue comme un "mal nécessaire" et un choix désespéré fait en vue de sauver des vies innocentes. "
CHARLIE HEBDO
" Michel Terestchenko signe un des tout meilleurs essais de cette année. "
PAGE
" Comment les démocraties tentent de justifier l'injustifiable: le recours à la torture. C'est ce que met au jour le philosophe Michel Terestchenko dans un essai brillant et sans concession. "
LE POINT
" L'auteur qui décortique scrupuleusement les différents types de tortures, analyse les prétextes invoqués par certaines puissances pour y recourir. S'appuyant notamment sur l'exemple des Etats-Unis, il réfute un à un les arguments utilisés, et presque banalisées, depuis le 11 septembre afin de justifier cette transgression du droit. Il met à profit Pascal et dénonce "la volonté de faire dire à la loi ou à la règle le contraire de ce qu'elle dit, de justifier le crime ou le pêché, le tout par un art spécieux de l'interprétation". Le philosophe explore quatre attitudes face à la torture: l'interdiction absolue, la justification pour raison d'État, l'encadrement juridique, la responsabilité personnelle. Il démontre la faiblesse intellectuelle, morale et pratique des justifications apportées à cette violation des droits de l'homme, même pudiquement parée de l'exceptionnalité. Mais Michel Terestchenko expose surtout comment le recours à la torture abolit les fondements symboliques de l'État souverain et fait vaciller la démocratie. Pour lui, il n'est pas d'autre attitude que "s'en tenir à des principes non négociables". "
LE MONDE DIPLOMATIQUE
" L'auteur de cet essai convaincant se livre à une réfutation de l'idée que la torture peut être justifiée dans certains cas, une idée défendue par certains penseurs ou juristes éminents (Richard Posner, Michael Walzer...). Son moindre mérite n'est pas tant d'éviter le lieu commun d'un point de vue moralisateur, que de démontrer l'illusion de l'efficacité de l'usage de ces méthodes d'interrogatoire, qui ne peuvent produire de résultats fiables. Partant de définitions rigoureuses, des conventions internationales et de l'interprétation sans ambiguïté des juridictions qui ont rejeté la notion d'ennemis ne relevant pas du droit pour les terroristes, l'auteur démonte le but poursuivi par les tortionnaires et l'illusion de ceux qui justifient leur action. "
ÉTUDES
" La philosophie ça ne sert à rien ! Telle est la conviction de nombreux lycéens, de divers politiciens réalistes et d'un supposé président qui se targue d'efficacité pragmatique. Il est facile de leur répondre, le dernier livre de Michel Terestchenko en main, que la philosophie, ça sert au moins à ne pas faire souffrir son prochain, à ne pas le détruire psychiquement. Il faut donc faire de la philosophie dans la vie de tous les jours, lorsqu'on est magistrat, policier, militaire, homme d'Etat - ou simple citoyen soucieux de savoir en quel sens il lui faut s'engager et de quoi son silence le rendrait complice. C'est dire que Michel Terestchenko rend un immense service en nous offrant une réflexion philosophique sur la torture qui ruine notre bonne conscience: il est rassurant de croire que la torture est le sinistre produit des totalitarismes, des dictatures (le Chili...) ou plus récemment de l'impérialisme américain. "
ROYALISTE
2024-12-06 - PRESSE
Introduction. La question de la torture
Les termes de la question
Répondre à l'argument du " moindre mal "
1. La longue histoire de la " torture d'État " aux États-Unis
La tradition américaine de torture psychologique
La CIA et le " contrôle des esprits "
De l'opération Phoenix au " Projet X "
2. Des juristes au service de la torture
Une interprétation restrictive de la torture
Le juriste et le casuiste
La réinvention des " combattants illégaux "
Impunité pour les tortionnaires
Septembre 2006 : l'adoption de la " loi de la torture "
Les limites du droit et l'exemple de la Haute Cour de justice israélienne
3. L'archipel américain de la torture
Les transferts extrajudiciaires : l'affaire Mohammed Binyam
" Nous engageons des États terroristes "
La prison d'Abou Ghraib, " trou de l'enfer "
" Une violation épouvantable et totalement inacceptable des règles militaires "
4. La parabole de la bombe à retardement
L'idéologie libérale de la torture
La justification médiévale de la torture et le système de la preuve
Un paradigme de référence
Le héros sacrificiel de 24 heures chrono
5. Le tortionnaire noble
Que faire en situation d'exception ?
Le problème des " mains sales " selon Michael Walzer
La légalisation de la torture selon Alan Dershowitz
L'annulation des dilemmes moraux
Préserver le principe de la responsabilité individuelle
Le " tortionnaire noble " face à l'état de nécessité, ou la " preuve diabolique "
Entre contrôle du pouvoir et respect des droits
6. Le mal n'est pas un bien
Pour chacun, être dans son rôle
La candeur plutôt que l'hypocrisie
Maintenir le sens du mal
Droit et morale
7. Une fable perverse
Le pseudo-réalisme de l'hypothèse de la " bombe à retardement "
Des conditions qui ne se rencontrent jamais
Les effets pervers de la série 24 heures chrono
Machiavel pour répondre aux machiavéliens
Dangereux jeux de l'esprit
L'inévitable criminalisation de l'État
La fabrique du tortionnaire
8. L'inutilité de la torture ?
Une parole dénuée de sens
Les méthodes légales d'interrogatoire
La fonction symbolique de la torture
9. S'en tenir à des principes non négociables
La règle et l'exception
Sur un prétendu droit de torturer par humanité
La menace d'une société de l'insécurité généralisée
Les sociétésdémocratiques ne sont pas nécessairement des sociétés " décentes "
10. L'État illégitime
Définir la torture ?
La torture abolit le fondement symbolique de l'État
L'ennemi comme " infra-humain ", ou la négation de toute socialité
Un poison qui corrompt la société entière
L'illusion sécuritaire
Bibliographie.