Communiqués

Le tribunal de grande instance de Paris donne satisfaction sur l’essentiel aux Éditions La Découverte et à Habib Souaïdia dans le litige qui les opposait à M. Sifaoui
21 octobre 2002

Le 11 octobre 2002, la 3ème Chambre 2ème Section du Tribunal de Grande Instance de Paris a rendu son jugement dans l’affaire qui opposait M. Habib Souaïdia et les Éditions La Découverte au journaliste Mohamed Sifaoui.
Rappelons que initialement, il était prévu que M. Sifaoui prête son concours à M. Souaïdia pour recueillir et mettre en forme son témoignage d’ancien officier des forces spéciales de l’armée algérienne, qui serait bien sûr écrit à la première personne. M. Souaïdia entendait rendre compte de son expérience de la lutte antiterroriste et des exactions des forces de sécurité dont il avait été le témoin, et dénoncer la responsabilité des généraux algériens dans la « sale guerre » qu’ils mènent depuis 1992. Sur la base d’un synopsis précisant très clairement ce projet, un contrat d’édition avait été établi à cette fin le 6 juillet 2000 entre MM. Souaïdia et Sifaoui, d’une part, et La Découverte, d’autre part, qui stipulait, comme c’est l’usage pour ce type d’ouvrage en collaboration, que les droits d’auteur proportionnels sur les ventes seraient partagés à égalité entre MM. Souaïdia et Sifaoui.
Lorsque, en novembre 2000, M. Souaïdia a pris connaissance du manuscrit établi par M. Sifaoui, censé être la mise en forme des écrits et des propos enregistrés qu’il avait communiqués à ce dernier, il a pu constater non seulement que ce manuscrit était tout à fait incomplet et mal rédigé, mais aussi que :
a) la lettre de ses propos, à laquelle il tenait, avait été très souvent déformée (par des formulations et des figures de styles qui ne reflétaient en aucune façon sa façon de penser et sa personnalité) ;
b) que plusieurs passages n’étaient pas de lui, mais de M. Sifaoui, qui lui attribuait ainsi des analyses qui n’étaient pas les siennes ;
c) que de nombreuses informations sur son témoignage qu’il avait transmises à M. Sifaoui, par oral et par écrit, ne figuraient pas dans cette version ;
d) que le texte établi par M. Sifaoui comportait de nombreuses erreurs (de noms, de dates, de faits, etc.) par rapport à ce qu’il lui avait rapporté.
M. Souaïdia a donc indiqué à M. Sifaoui qu’il ne souhaitait pas poursuivre la collaboration avec lui et il a demandé en conséquence à La Découverte d’annuler le contrat impliquant M. Sifaoui et de lui apporter le concours nécessaire pour établir un manuscrit qui serait l’expression rigoureuse et fidèle de ses propos. C’est ce qui a été fait et qui a abouti à la publication du livre La Sale Guerre, en février 2001.
Dans la procédure contentieuse qu’ils ont ensuite engagée contre M. Sifaoui, M. Souaïdia et La Découverte demandaient principalement au Tribunal de reconnaître que M. Sifaoui n’était pas le coauteur de La Sale Guerre, qu’il ne pouvait donc prétendre à ce titre recevoir la moitié des droits d’auteur correspondants et de constater — à tout le moins — que son apport à la version de La Sale Guerre finalement publiée, était suffisamment accessoire pour que seul un forfait lui soit réglé et non plus des royalties ; et secondairement, de leur attribuer des dommages et intérêts au titre du préjudice que leur avait fait subir l’attitude déloyale de M. Sifaoui et ses propos discréditant La Sale Guerre après la parution de l’ouvrage.
De son côté, M. Sifaoui demandait au tribunal de reconnaître qu’il était bien coauteur de l’ouvrage et qu’il devait donc recevoir la rémunération proportionnelle prévue initialement au contrat ; il demandait également des dommages et intérêts de 61 000 euros, au motif que, d’une part, sa contribution à l’ouvrage aurait été « dénaturée », ce qui aurait porté atteinte à son droit moral, et que, d’autre part, le conflit avec La Découverte lui aurait fait subir un préjudice professionnel en lui faisant perdre la possibilité de publier aux Éditions Plon un ouvrage sur les islamistes algériens.
Dans sa décision du 11 octobre 2002, le TGI de Paris a donné satisfaction à M. Souaïdia et à La Découverte sur leur demande principale, puisqu’il a débouté M. Sifaoui de sa demande de paiement de droits d’auteur proportionnels sur les ventes de La Sale Guerre en estimant notamment que ce livre, s’il emprunte quelques éléments au manuscrit de novembre 2000, est la reproduction d’un manuscrit profondément remanié par la suite (et ce, sans l’intervention de M. Sifaoui, qui ne peut donc prétendre en être coauteur) : « En ce qui concerne la qualité de coauteur de l’ouvrage publié, le tribunal ne peut que constater que de nombreuses corrections formelles ont dû être apportées au manuscrit et que des retraits et des compléments très significatifs ont également dû y être apportés. »
Le tribunal a également rejeté la demande de dommages et intérêts de M. Sifaoui en indiquant :
- « qu’en ce qui concerne la dénaturation de sa contribution, ce grief n’est étayé par aucun argumentaire puisqu’aucune analyse précise n’est faite des propos retirés et ajoutés au manuscrit déposé, et qu’en outre le document intitulé « synopsis » n’autorisait pas M. Sifaoui à se livrer à une analyse personnelle de la situation » ;
- que « le discrédit dont il se dit victime est d’autant moins vraisemblable que M. Sifaoui a largement eu recours à la presse pour présenter sa thèse au mépris même des documents contractuels qui, comme indiqué plus haut, ne lui permettaient pas de développer dans l’ouvrage, sa propre analyse de la situation politique algérienne » ;
- et que « les autres griefs formulés ne sont pas plus pertinents tant en ce qui concerne la perte d’une chance non établie par les documents versés, qu’en ce qui concerne les prétendus mensonges ou calomnies dont M. Sifaoui peine à justifier du préjudice qu’ils lui auraient causé, à les supposer établis ».
La décision du tribunal s’est donc limitée à reconnaître à M. Sifaoui la qualité de coauteur de la mouture initiale du manuscrit de La Sale Guerre qui a été remise aux Éditions La Découverte en octobre 2000. C’est uniquement en raison de ces emprunts, sans son accord, à la première version du manuscrit que M. Sifaoui s’est vu attribuer 6 000 euros à titre de dommages et intérêts et 2 800 euros au titre des frais d’avocat.
Cette décision donne donc, dans sa globalité, raison à M. Souaïdia et aux Éditions La Découverte.

contact : Pascale Iltis
Éditions La Découverte
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