La finance a pris une place démesurée dans nos économies et ses dérapages pèsent lourdement sur l'emploi et le bien-être des populations partout dans le monde. Mais il n'est pas facile pour le simple citoyen de comprendre les ressorts de l'instabilité financière, afin d'apprécier la pertinence des politiques qui prétendent la combattre. D'où l'intérêt de revenir sur les grandes crises du passé.
Tel est le propos de ce livre aussi enlevé que pédagogique, où l'auteur fait le récit des plus exemplaires d'entre elles et de leurs issues : la fameuse bulle sur les tulipes dans la Hollande du XVIIe siècle ; la façon dont l'Écossais John Law a créé la première bulle boursière de l'histoire dans la France du régent ; la crise financière de 1907, qui a conduit à la création de la banque centrale des États-Unis. Et il revient de manière originale sur la crise de 1929, en montrant comment Roosevelt a usé de toute son habileté pour imposer les régulations qui allaient assurer plusieurs décennies de stabilité.
Se dessine ainsi une " économie politique des bulles ", dans laquelle s'inscrit parfaitement le dérapage des subprimes. On comprend mieux alors les mécanismes économiques en jeu dans les crises financières. Mais aussi le rôle joué par les inégalités sociales, les rapports de forces politiques et les batailles idéologiques. Disposer d'un tel schéma des crises permet de juger les multiples chantiers ouverts par le G20, leurs avancées et leurs faiblesses.
Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint du mensuel Alternatives Economiques, revient sur trois siècles d'histoire économique et de bulles financières. Usant de pédagogie, l'auteur cherche à décrypter l'histoire qui, au fil du temps, a donné à la finance une place démesurée.
2011-10-04 - Les Echos
Qu'y a-t-il de commun entre la crise financière de 2008, celle de 1929, la faillite de John Law au XVIIIe siècle et la fameuse vague de spéculation sur les bulbes de tulipes dans la Hollande du XVIIe ? Au-delà des particularismes historiques, Christian Chavagneux révèle les mécanismes permanents qui conduisent aux crises financières. Innovations mal contrôlées, politiques de déréglementations, hausse des inégalités, course au profit et montée des risques encouragée par l'idée, popularisée par les économistes bien en cour, que grâce aux innovations " cette fois c'est différent ". Puis, au plus fort de la bulle, retournement des anticipations et krach, sauvetage à court terme par de l'argent public et, dans le meilleur des cas, nouvelle vague de réglementations assurant la stabilité du système. Le livre est truffé de parallèles saisissants qui montrent que déjà en 1923, le Lichtenstein jouait un rôle important pour cacher certaines spéculations, qu'en 1920, des compagnies de garanties immobilières vendaient des assurances contre le risque de faillite, à l'image des fameux CDS (dont le principe existait déjà lors de la crise des tulipes), ou encore qu'en 1928, les inégalités battaient un record aux Etats Unis, égalé en... 2007. Quatre ans après la crise de 1929, Roosevelt sépare les banques américaines en deux, interdisant aux banques d'affaires de gérer des dépôts et réciproquement ; il interdit aussi de nombreux produits financiers. Résultat : plus de quarante ans sans crise financière jusqu'à ce que ces règles soient progressivement défaites. Quatre ans après la crise de 2007, la réponse politique est bien trop faible. Le dernier chapitre du livre dresse un bilan de l'ensemble des dossiers de re-réglementation en cours. Après avoir pointé quelques avancées, comme la fin programmée de l'opacité sur les marchés des produits dérivés, il dresse un inventaire de toutes les lacunes et des trous noirs des chantiers en cours, que l'on ne peut que partager. Grâce à la représentation des causes des crises financières qu'il propose, le schéma synthétique de la page 166 du livre devrait être enseigné à l'école et présenté à tous les responsables politiques ! Ce livre écrit en quelque sorte la feuille de route à suivre pour être à la hauteur des enjeux aujourd'hui.
2011-11-01 - Pascal Canfin - Alternatives Economiques
Les crises financières ne sont pas nouvelles. De la bulle des tulipes de Hollande au XVIIe siècle à celle des subprimes en 2008, elles ne cessent d'émailler l'histoire économique. L'auteur montre que la spéculation en elle-même n'est pas la source des crises. C'est davantage le surendettement des spéculateurs, provoqué par leur frénésie d'achats, qui fait, dans un premier temps, monter les prix exagérément puis s'écrouler tout l'édifice. Les institutions financières jouent donc un rôle central dans les crises en octroyant des crédits faciles et à bas prix. C'est particulièrement le cas dans les périodes de dérégulation qui stimulent les innovations les plus audacieuses mais aussi les produits financiers les plus complexes. Certains deviennent si opaques que l'on ne sait plus exactement la nature des risques qu'ils contiennent : c'est ce que l'on appelle les actifs toxiques. Que faire face à cette spirale infernale. Quelles leçons tirer de l'histoire économique ? Pour l'auteur, il revient au pouvoir politique de trouver l'équilibre qui conduira à une situation plus stable. C'est à lui de positionner le curseur législatif à la bonne distance de trois objectifs : la rentabilité des banques, la stabilité du système financier et un crédit peu cher. Sa thèse est que le système est aujourd'hui déséquilibré car trop orienté vers la rentabilité des banques et un crédit bon marché. Le renforcement des contraintes réglementaires, s'il amoindrit la rentabilité des banques et renchérit le coût du crédit, apporterait un regain de stabilité. Séduisante sur le papier, une telle politique demande une grande ténacité pour réussir. Dans les années 1930, le président Roosevelt a dû s'y prendre à trois reprises et sur plusieurs années pour faire passer des lois qui horrifiaient nombre de banquiers. Si les réformes habiles de F.D. Roosevelt ont en effet remis le secteur bancaire sur des bases saines, la croissance économique, elle, a dû attendre le début de la Seconde Guerre mondiale pour retrouver des niveaux d'avant crise. Les politiques mises en œuvre dans les années 1930 sont riches d'enseignement mais l'auteur le mentionne lui-même : il ne faudrait pas se contenter de répondre à la situation actuelle avec des solutions élaborées il y a près de 80 ans. Les sociétés civiles et les États ont considérablement évolué. Les réponses apportées aujourd'hui doivent tenir compte de cette évolution.
2011-12-01 - Benoît Richard - Sciences Humaines
Outre les deux chocs évoqués dans son titre (l'éclatement de la bulle spéculative sur les tulipes dans la Hollande du XVIIe siècle et celle des subprimes en 2008), cet ouvrage revient sur la première faillite boursière de l'histoire (au début du XVIIIe siècle), la crise de 1907 (qui déboucha sur la création de la Banque centrale des Etats-Unis) et celle de 1929. L'auteur, rédacteur en chef adjoint d'Alternatives Economiques, ne se contente pas de convoquer théories et modèles explicatifs. Il nous fait plonger au coeur des mécanismes en n'hésitant pas à emprunter des références littéraires et cinématographiques. A cet égard, on ne saurait trop recommander de (re)lire L'Argent, où Zola témoigne d'une sidérante connaissance des ressorts psychologiques qui gouvernent les spéculateurs. Preuve s'il en était besoin qu'il n'est pas utile d'être un " Nobel d'économie " pour comprendre ce qui se joue, malgré l'apparente sophistication des outils financiers... que d'aucuns ont peut-être intérêt à entretenir pour tenir à l'écart les prétendus béotiens... Pour lever le voile et dénoncer les dérives, l'auteur souligne la nécessaire implication de la société civile, en citant le cas de Finance Watch, une ONG qui produit des contre-expertises en matière financière. Les tenants de la théorie dominante devraient investir dans cet ouvrage. C'est un bon placement, même s'ils y sont égratignés pour leur incapacité à anticiper la crise...
2011-12-01 - Sylvain Allemand - Alternatives Internationales
Christian Chavagneux publie un livre qui sera bien utile à l'économiste, à l'historien et au citoyen. Réunissant une documentation impressionnante, il dresse une histoire, qui n'est pas si brève, de quatre crises financières mémorables qui ont précédé celle des subprimes : la crise des tulipes dans la Hollande du XVIIe siècle, celle consécutive à la banqueroute de Law au début du XVIIIe siècle en France, la panique de 1907 aux États-Unis et la grande crise de 1929. Le but de l'auteur est de montrer qu'au-delà des spécificités de chacune, il y a des caractères communs qui expliquent la répétitivité des scénarios les plus noirs. Le lecteur y découvrira une foule d'informations techniques sur les arcanes de la finance, accompagnées d'anecdotes savoureuses sur les comportements des financiers, mais aussi une analyse des crises financières.
2011-12-01 - Jean-Marie Harribey - L'Humanité
Comme en écho à la Brève histoire de l'euphorie financière (Seuil, 1992) de John Kenneth Galbraith parue voici une vingtaine d'années, cette Brève histoire des crises financières innove sur deux points. D'abord, là où Galbraith ne voyait qu'un effet de l'outil principal du financier (le levier) combiné avec la naïveté des intervenants sur les marchés, Christian Chavagneux introduit l'analyse du système économico-politique dans son ensemble. Ensuite, là où Galbraith ne voyait que le fruit accidentel du jugement faussé des spéculateurs, Christian Chavagneux voit une seule et même logique, qui se répète et s'amplifie au rythme de la mondialisation : l'innovation financière engendre la course à un profit ciblé qui favorise une création de monnaie de crédit gonflant une bulle qui finit par éclater, freinant – parfois bloquant, comme en octobre 2008 – le système des paiements, le commerce, la production et l'emploi. Christian Chavagneux souligne la difficulté pour les régulateurs de débusquer les risques systémiques et la nécessité d'imposer un ordre dans cette boîte noire qu'est la gouvernance des banques. C'est bien vu. Mais quel vaste programme !
2012-01-01 - Étienne Perrot - Etudes
Introduction. Le bateau ivre
Les non-leçons des économistes
Les leçons de l'expérience
Un schéma commun des crises
Réguler la finance
1. La spéculation sur les tulipes entre vérité et légende
Aux enchères d'Alkmaar
Une spéculation de riches
Le " commerce du vent "
Un krach qui n'affole pas les autorités publiques
Une crise de société
2. John Law, un aventurier aux finances
Duel, tables de jeux et autres aventures
Un problème de dette publique
Les belles idées de Lass
La création de la Banque générale
Débuts mise en œuvre du système
Avantages et inconvénients de la spéculation
L'effondrement
Les dernières années de Law
3. La panique de 1907
Les frères Heinze, des pirates dans la finance
L'effet domino
Un contexte défavorable
Une innovation mal régulée : les trusts
La panique s'installe
John Pierpont Morgan à la manœuvre
Quatre plumes d'or pour une banque centrale
4. 1929 : la crise qui a changé la face de la finance
La mentalité spéculative à l'œuvre
Fraudeurs à la barre, acte I : Ponzi entre en scène
Fraudeurs à la barre, acte II : Kreuger, le roi de l'allumette
Le prix des innovations
Explosion de l'endettement
Une crise de la finance mondialisée
L'impact de la commission Pecora
Une demande de régulation
Quatre ans de batailles politiques
Un " Glass-Steagall Act " qui n'existe pas !
Comment Roosevelt a manipulé Carter Glass
Les trois leçons de Roosevelt
5. Qu'est-ce qu'une crise financière ?
Au départ, une simple perte d'équilibre
Des innovations non contrôlées
Une déréglementation subie ou voulue
Les effets secondaires de la course aux profits, acte I: la bulle de crédits
Les effets indésirables de la course aux profits, acte II : une mauvaise gouvernance des risques
Une technologie inadaptée - Une méthodologie défaillante - Un rapport de force défavorable aux contrôleurs - Des mécanismes d'assurance qui n'assurent pas - Une mauvaise gouvernance publique
Les effets indésirables de la course aux profits, acte III : comment la fraude s'empare de la finance
L'affaire Madoff - Une fraude systémique - Le rôle des paradis fiscaux
Les inégalités, carburant de la crise
Lien de causalité ou causes communes ? - L'influence politique des riches - Le rôle des économistes
L'aveuglement au désastre
Comment les États ont sauvé la finance
La faillite de Lehman Brothers - Réactions en chaîne - L'échec de la reprise en main - Les États entrent vraiment en jeu
6. Le temps de la régulation
Maîtriser les innovations
Comment réguler les produits dérivés ?
Et la titrisation ?
Une nouvelle gouvernance mondiale de la finance
Empêcher les bulles de crédit : rendre la spéculation plus chère
Que faire des établissements " systémiques " ? - Des mesures efficaces ?
Mieux surveiller les bulles de crédit
Un mot sur les fonds spéculatifs
Éviter les blocages : contrôler la liquidité
Faire payer les banques, première voie : une taxe
Faire payer les banques, deuxième voie : utiliser les cocos
Faire payer les banques, troisième voie : les testaments
La gouvernance des banques, trou noir de la régulation
Fraudes, la politique de l'autruche
Bonus mal contrôlés
Les économistes peuvent-ils changer ?
Conclusion. Tirer les leçons de la plus grande crise financière de l'histoire
Le rôle essentiel des régulateurs
De Mills à Minsky en passant par Zola
Notes
Bibliographie