Sortir de la grande nuit
Essai sur l'Afrique décolonisée

" Dans le foisonnement des ouvrages consacrés au continent auquel la France est tant liée, se dégage la volonté de briser les clichés misérabilistes et d'atteindre une forme de lucidité Le cinquantenaire des indépendances africaines se traduit de manière prévisible par une profusion d'essais consacrés au grand continent. Le plus pénétrant est Sortir de la grande nuit, de l'universitaire Achille Mbembe, théoricien de la "postcolonie". Partant de la "volonté de vie" qu'exprima la décolonisation, l'auteur esquisse l'"énorme travail de réassemblage" des structures de la pensée en cours en Afrique. D'une plume ardente, souvent poétique, englobant dans sa réflexion tous les traits de l'Afrique contemporaine, il interroge au passage la France, "qui décolonisa sans s'autodécoloniser", et son propre pays, le Cameroun. "
LA CROIX

" Né au Cameroun, professeur d'histoire et de science politique à Johannesburg et à Duke aux Etats-Unis, l'auteur connaît charnellement son sujet. Il propose, dans cet essai, d'analyser les conséquences de la (dé)colonisation, tant pour les anciennes colonies que pour les colonisateurs. Synthétisant une quantité impressionnante de travaux réalisés sur la question - dont les siens -, il propose un regard sur les mutations institutionnelles et économiques que connaissent aujourd'hui nombre d'états africains: les élites corrompues qui utilisent "l'Etat pour détruire l'Etat, l'économie et les institutions", mais aussi les évolutions positives et très rapides, comme celles de l'Afrique du Sud selon lui, ou encore la transnationalisation de l'économie, qui induit le développement de "zones grises" où la prédation domine. Toutefois, écrit-il, "c'est sur le plan culturel de l'imaginaire que les transformations en cours sont les plus vives". Et de détailler la profonde promesse de "montée en humanité" que porte l'idée de décolonisation, mais aussi de revenir sur l'incapacité spécifiquement française à la reconnaître, qui se lit dans la difficulté qu'ont à s'y institutionnaliser les études postcoloniales. Un ouvrage dense et au style par moments ardu, mais à même d'éclairer bien des débats actuels. "
ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES

" Le constat d'Achille Mbembe sur l'Afrique cinquante ans après la décolonisation est peu réjouissant: un modèle politique prédateur qui laisse peu de place à la démocratie, accaparé par "des pouvoirs nègres" à la "sénilité croissante", une économie fondée sur le racket et l'extraction, et des populations qui n'ont d'autre choix que l'enkystement ou la fuite. Mêlant l'histoire et l'intime, la désillusion de la postindépendance et sa propre histoire à l'ombre de la dictature d'Ahmadou Ahidjo (1960-1982) au Cameroun, l'historien et philosophe camerounais offre un deuil aux espérances trahies et redonne du sens à la mort sans sépulture des militants indépendantistes. Car ce n'est que grâce à la "force subversive [de] la sépulture", de la justice et de la mémoire que "l'on se libère de l'addiction à sa propre souffrance", écrit-il. L'essai devient incisif en entrant dans le débat français. Dans une défense convaincante mais critique des études postcoloniales, Mbembe réhabilite l'analyse des discours et des représentations. Seule solution pour l'Afrique: tourner le dos à cette France en pleine crise de nostalgie coloniale et en voie de "provincialisation", et miser sur "l'afropolitanisme", citoyenneté créole en mouvement qui serait le propre de l'Afrique, avec l'Afrique du Sud "arc-en-ciel" pour modèle. Addition d'articles rassemblés pour l'occasion, le livre est quelque peu hétéroclite, dans un style parfois hermétique, mais souvent lumineux. "
ALTERNATIVES INTERNATIONALES

2023-06-06 - PRESSE