Pour le sens commun, est symbolique ce qui se substitue à la réalité, et qui se révèle être moins qu'elle. Mais pour les sciences sociales, le symbole est plus réel que la réalité même : depuis un siècle, la nature symbolique de la réalité sociale est largement reconnue. Central aussi bien dans la psychanalyse lacanienne que dans l'anthropologie structurale de Claude Lévi-Strauss, ce thème inspire nombre de débats actuels sur la " perte des repères symboliques " que représenteraient la procréation médicalement assistée, le clonage des êtres humains, la " réalité virtuelle " ou le mariage des homosexuels. Pour aider à comprendre les enjeux de ces débats, les auteurs de ce numéro de la Revue du MAUSS s'interrogent sur les diverses acceptions de la notion de symbolisme. Ils rappellent que le véritable inventeur de son usage moderne fut Marcel Mauss, qui y a fait converger les notions de sacré, de religion ou de représentations collectives. Et ils montrent comment ce concept, venu de la religion puis de la philosophie jusqu'à la sociologie, a ensuite largement déserté cette discipline pour les rives de l'ethnologie puis de la psychanalyse et de la littérature d' " avant-garde ". Au point que le symbolisme, livré au jargon, écartelé entre les chapelles, est devenu peu à peu inintelligible, et voué à tous les obscurantismes. Pourtant, en effet, les hommes ne font société et ne deviennent sujets que liés par des symboles : la tradition intellectuelle française a raison. C'est à sa redécouverte nécessaire qu'invite cet ouvrage.
Fondée en 1981, et dirigée par Alain Caillé, la Revue du M.A.U.S.S. (Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales) s’adresse à tous ceux qui s’intéressent à ce qui se produit à l’intersection des sciences sociales, du politique et de l’histoire. Elle s’est imposée comme l’un des lieux importants du débat public en France.