Tous reconnus ! Tel paraît être le mot d'ordre contemporain, qui traverse l'espace intime comme les luttes politiques. Chacun considère aujourd'hui qu'il possède des droits inaliénables, parmi lesquels celui de faire " reconnaître " son identité et sa différence – sexuelle, ethnique, religieuse, politique. Les singularités ne sont plus cachées, mais revendiquées. Cela ne veut certes pas dire qu'elles sont toutes effectivement reconnues. Au contraire, cette revendication semble motivée par l'expérience du " déni de reconnaissance " qui prend des formes diverses : mépris social, absence de respect, souffrance au travail.
Ce livre se propose de retracer la généalogie philosophique de cette revendication de reconnaissance et d'en présenter les principales réactualisations dans le champ du travail, de la justice sociale et des politiques multiculturelles. Il expose également les limites du paradigme de la reconnaissance, en présentant les principales critiques qui lui ont été adressées.
Introductuion / Reconnaissance et société
I / La reconnaissance (anagnôrisis) dans le monde antique
Anagnôrisis et lutte de reconnaissance : l'interprétation de P. Markell
Primauté de l'action sur l'identité - Ontologie des politiques de reconnaissance - Recognition versus acknowledgement
Limites de l'interprétation de P. Markell
Antigone et la logique de l'honneur (timè) - Aristote et les vertus de l'honneur
Reconnaissance antique et reconnaissance moderne
Relation à soi - Sens de l'identité - Universalisation
Conclusion
II / Le moment hégélien
La lecture inspirée par A. Kojève et ses limites
Hegel et ses prédécesseurs - La philosophie de la liberté comme universel : de Rousseau à Fichte -Critique de l'atomisme et de la sûreté : Machiavel et Hobbes
Les difficultés de la référence hégélienne
Les figures hégéliennes de la reconnaissance
Première figure : la " lutte à mort " - Deuxième figure : maîtrise et servitude - Troisième figure : l'État et la vie éthique
Conclusion
III / La reconnaissance dans la théorie critique
La théorie critique et l'école de Francfort
Réactualisation de l'Anerkennung hégélienne chez Axel Honneth
La reconnaissance comme fondement d'une théorie de la justice sociale - Les trois sphères de la reconnaissance
Conclusion
IV / La reconnaissance dans le monde du travail
Le succès d'une notion ambiguë
Une grille d'analyse des mutations du travail - Politiques et dispositifs de reconnaissance en entreprise - Une revendication majeure aujourd'hui
Les dénis de reconnaissance au travail
Une typologie : invisibilité, reconnaissance dépréciative et méconnaissance - Une tentative de radicalisation politique du modèle honnethien (E. Renault)
La reconnaissance comme idéologie ?
Conclusion
V / Fondements et enjeux d'une politique de la reconnaissance
Arguments pour une politique de la reconnaissance (C. Taylor)
Genèse de l'exigence de reconnaissance : dignité et authenticité - Critique de la neutralité libérale
Une vision libérale du multiculturalisme (W. Kymlicka)
Libéraux versus communautariens - Le multiculturalisme comme norme - Minorités nationales et minorités ethniques - Protection externe et protection interne
Conclusion
VI / Critiques du paradigme de la reconnaissance
Comprendre la justice sociale : reconnaissance versus redistribution (N. Fraser)
Le " tournant culturel " des sociétés contemporaines - Articuler reconnaissance et redistribution : pour un modèle bidimensionnel de la justice - Modèles identitaire et statutaire de la reconnaissance
Le paradigme du don comme parachèvement de la reconnaissance ?
La fin des " luttes pour la reconnaissance " - Anthropologie générale du don et reconnaissance - Mauss plutôt que Hegel - Pari théorique et programme politique
De la reconnaissance à la reconnaissabilité (J. Butler)
Cadres de la reconnaissance - Reconnaissance et assujettissement - Politiques de la reconnaissance et simplification du réel - Ontologie sociale et luttes coalitionnelles - La précarité comme condition partagée
Conclusion
Repères bibliographiques.