2015-10-06 - Ixchel Delaporte - L'Humanité
Les «jeunes de banlieue» constituent une catégorie en soi, avec ses mille et un poncifs, nourris de faits divers. Sous les projecteurs, ce sont presque toujours les mêmes : des garçons, en rupture avec l’école, désœuvrés au pied des tours ou occupés à divers trafics… Inverser la perspective en s’intéressant à la «crème de la crème banlieusarde», les bacheliers de ZEP et futurs étudiants, tel est le choix de Fabien Truong, empruntant la voie ouverte par Stéphane Beaud dans 80 % au bac… et après ? paru il y a une dizaine d’années. Prenant le parti de l’observation participante, ce jeune enseignant - dans le secondaire, en Seine-Saint-Denis, puis à l’université Paris-VIII et à Sciences-Po - a suivi une vingtaine de jeunes sur près d’une décennie. Un jeune prof qui intrigue ses élèves avec ses mots «chelous», sa sacoche, ses cheveux au vent et son vélo. Un jeune prof las de faire l’expérience, dans tous les établissements qu’il arpente, de la même mécanique implacable : «Plus je bouge, plus les situations se répètent : une sociologie des élèves identique, des difficultés d’apprentissage similaires, les mêmes espoirs d’ascension sociale par l’école. Je fais l’expérience déplaisante de la puissance de la régularité sociale à hauteur d’homme.»[…] Fabien Truong refuse ce qu’il appelle les «discours de perchoir», grandiloquents, définitifs, solennels ou fatalistes. Et c’est bien la force de son enquête que d’éviter tout raccourci en montrant avec de la chair et du talent combien le réel résiste à la simplification abusive et joue quelques tours à ceux avides de prédictions hâtives.
2015-10-08 - Catherine Halpern - Libération