Au-delà du « spasme présidentiel », l'éditorial de la Revue du Crieur N° 7

« On ne peut ni ne doit tout attendre d'un homme et 2017 n'apportera pas plus qu'auparavant le démiurge »... Refonder l'action politique, sa légitimité et son efficacité, suppose donc de la penser au-delà du « spasme présidentiel », « loin du pouvoir charismatique et de la crispation césariste de la rencontre entre un homme et son peuple ». Autrement dit d'échapper à ce temps court de l'élection, où « la vie politique s'écrase » sous le poids du « présidentialisme », pour mieux retrouver le temps long de la « délibération permanente », cette « double vertu du parlementarisme et de la démocratie sociale que notre République a encore trop souvent tendance à négliger ».

 

L'auteur de ces lignes n'est autre qu'Emmanuel Macron, désormais bénéficiaire de ce présidentialisme qu'il critiquait hier. C'était en effet en 2011, dans la revue Esprit, en vue de l'élection présidentielle de 2012 (année que nous nous sommes permis de remplacer par 2017, pour souligner l'actualité du propos). Futur conseiller élyséen puis ministre, il y soulignait en conclusion sa « naïveté assumée » d'espérer une revitalisation démocratique dans le cadre institutionnel contraint de la Ve République. Pour notre part, c'est peu dire que nous sommes par avance déniaisés, doublement au moins : par le désastreux renoncement de la présidence Hollande et par la marche consulaire de son successeur vers le pouvoir.

 

L'élection d'Emmanuel Macron est à la fois le résultat et l'accélérateur d'une décomposition du système politique existant qu'il a su pressentir et exploiter, tout comme, à son opposé partisan, Jean-Luc Mélenchon. C'est comme si la politique en ses formes organisées au XXe siècle avait soudain vécu, déboulonnée par ces mouvements inédits, En Marche ! et France insoumise, lancés hors et contre les partis, unis dans le culte du chef, boostés par la révolution numérique, aux frontières idéologiques confuses et à la composition sociologique incertaine.

 

Impossible de dire ce qui sortira de ce vaste charivari, entre recyclage du vieux monde ou émergence d'un nouveau, aggravation des dangers ou surgissement d'un espoir. Mais, dans tous les cas, il met au défi les tenants de l'émancipation, des combats de l'égalité et des luttes pour la fraternité, car il les oblige à repenser leur vision et leur pratique de la politique. Professionnelle, la politique de parti s'est laissée saisir par le pouvoir d'État, s'autonomisant de la société pour devenir une politique séparée, aujourd'hui discréditée et rejetée.

 

Il nous revient, dès lors, de réinventer patiemment une politique intégrée à la société, encastrée dans ses besoins les plus élémentaires, en défense de sa vie concrète et quotidienne, de sa liberté et de ses solidarités, une politique à hauteur d'expériences collectives plutôt que prisonnière d'aventures individuelles. C'est l'ambition du Crieur, qui fête avec ce numéro ses deux ans d'existence, d'y contribuer.

 

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