Communiqués

Les Éditions La Découverte censurées au Salon du livre d’Alger
par François Gèze

29 septembre 2005

Lors du 10e SILA (Salon international du livre d’Alger), qui se tient du 21 au 30 septembre 2005, une sélection d’ouvrages des Éditions la Découverte devait être présentée, aux côtés de ceux de dizaines d’éditeurs français, sur le stand collectif du Bureau international de l’édition française (BIEF). Cela n’a pas été possible, les ouvrages de La Découverte ayant été « retenus en douane », sans aucun motif officiel.
Dès le premier jour, constatant cette anomalie, les responsables du BIEF sont intervenus auprès des autorités algériennes pour obtenir le déblocage des livres. L’ambassadeur de France en Algérie, M. Hubert Colin de La Verdière, a fermement relayé cette demande auprès du président du Sénat algérien, numéro deux de l’État, qui lui a promis une solution immédiate du problème. Mais, malgré une nouvelle intervention – restée sans réponse – auprès de la ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi, les livres de La Découverte sont restés bloqués en douane à la veille du dernier jour du SILA. (Lors du SILA de septembre 2004, un blocage du même type avait en revanche pu être levé, suite aux vigoureuses interventions du BIEF.)
Il semble assez peu probable qu’une trentaine de titres de sciences humaines – comme La Sociologie de Erving Goffman, La Bataille du logiciel libre ou Chine : peuples et civilisation – puisse menacer la souveraineté de l’État algérien. Il ne peut donc s’agir que d’une censure politique, visant un éditeur qui a probablement eu le tort, aux yeux des « décideurs » de l’ombre algériens, de publier plusieurs ouvrages dénonçant les terribles violations des droits de l’homme dont ils se sont rendus responsables depuis 1992 (comme Qui a tué à Bentalha ?, de Nesroulah Yous ; La Sale Guerre, de Habib Souaïdia ; Françalgérie. Crimes et mensonges d’États, de Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire ; Au refuge des balles perdues, de Sid-Ahmed Semiane).
Cette censure, venant après bien d’autres actes du même type, bien plus graves, visant les médias algériens, a profondément indigné les professionnels du livre algériens – dont les responsables du SILA, qui ont admis officieusement que « cela les dépassait ». Pourtant, depuis le 1er septembre, est entré en vigueur l’Accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne, dont l’article 2 stipule que « le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux inspire les politiques internes et internationales des parties et constitue un élément essentiel de l’accord ». Pourtant, ce 29 septembre, les électeurs algériens sont invités à approuver par référendum une « Charte pour la paix et la réconciliation nationale », censée instaurer une normalité démocratique.
Dérisoire par rapport à l’état de non droit qui perdure depuis si longtemps en Algérie, la minable censure des livres de La Découverte atteste malheureusement que la liberté d’expression ne figure toujours pas à l’agenda des autorités algériennes. Une nouvelle déception pour tous ceux qui, des deux côtés de la Méditerranée, s’efforcent d’œuvrer à une authentique réconciliation, sans œillères, de deux peuples déchirés par une si longue histoire commune.


François Gèze, P-DG des Éditions La Découverte